Critique : Some Nights I Feel Like Walking
- Dans son nouveau film, situé dans la périphérie de Manille, Petersen Vargas essaie de mélanger drame social et road movie urbain

Les nuits, dans les rues des mégalopoles très animées, tendent à avoir toutes une ambiance et un paysage sonore similaires : les voitures qui passent, les gens qui marchent, les vendeurs de rue, et les prostitués en tous genres qui essaient de vendre ce qu'ils ont. Il y a un murmure de fond constant qui fait presque l’effet d’un bourdonnement. À en juger le nouveau film du réalisateur philippin Petersen Vargas, relativement jeune, mais extrêmement prolifique, Manille n'échappe pas à la règle. Ce titre, Some Nights I Feel Like Walking, a fait sa première mondiale en compétition officielle au Festival Black Nights de Tallinn.
On rencontre d’abord Uno, un jeune homme plein de confiance en lui qui navigue habilement dans les rues de la ville noire de monde, les marchés de nuit et autres lieux de rassemblements – y compris les salles d’attente des stations de bus et les toilettes publiques. C’est là que ses yeux se posent pour la première fois sur son camarade Zion, et lui donne un conseil gratuit. Pour ceux qui douteraient encore des activités d'Uno, on est fixé d'un coup quand ses copains Bay, Rush et Ge font irruption, se mettent à décide de leur plan pour la nuit et tentent de battre la concurrence des autres garçons pour avoir l'attention des "clients", comme ils les appellent. Leur terrain de chasse est un cinéma porno gay planqué dans un centre commercial.
C’est là qu'Uno est Zion se rencontrent de nouveau. Ils partagent même un client ainsi que son paiement. Encouragé par la réaction chaleureuse d'Uno à sa présence, Zion exprime son désir de rejoindre la bande, ce qui ne plaît pas beaucoup à Bay, jaloux et bagarreur. Cependant, la bande va bientôt avoir d’autres problèmes à gérer, car Ge finit drogué et laissé pour mort par un de ses clients. Ce vœu, avant de mourir, est que ses amis le ramènent chez lui, dans la ville de la banlieue dont il vient. Cette quête met à l'épreuve leur loyauté entre amis et leurs nouveaux intérêts amoureux, surtout quand il devient clair que Zion ne vient du même endroit que le reste des garçons.
Ce qui suit est un road trip urbain, à pied et dans les transports publics, pendant lequel on suit l'intrigue (enfin, en gros), qui porte sur les relations en constante évolution qui unissent entre ces jeunes marginalisés. En toile de fond, on apprend une chose ou deux sur la société philippine : ce qui y génère de la cohésion, ses divisions de classe, de religion et d'idéologie, et l'atmosphère d'abus de pouvoir permanents de la part des autorités, qui mettent plusieurs sortes de "faune des rues" en situation de grave danger. Ces observations de type documentaire sont très bien fusionnées avec l’intrigue de fiction grâce au style agile de Vargas, qui cherche à faire glisser l’attention du spectateur d'une chose à l'autre.
Le niveau d’exécution technique est également très bon : la photographie de Russell Morton souligne l’impact des lumières néon, chaudes ou froides, qui percent les ténèbres nocturnes, les compositions au synthétiseur d'Alyana Cabral sourdent tout du long et le montage de Daniel Hui comporte moins de coupes superflues que ce qu'on aurait pu attendre. La troupe, qui réunit des non-professionnels et des acteurs plus aguerris, est également tout à fait à la hauteur.
Hélas, Vargas lui-même semble un peu timide, voire carrément perdu à chaque fois qu’il trébuche sur un élément qui pourrait être vu comme un provocateur ou agressif. Le tableau qu'il nous livre est si peu aventureux qu'on se dit même qu'il n'a vraiment pris aucune risque, bien que le film dépeigne le milieu de la prostitution. Par ailleurs, la tentative de critiquer les politiques officielles du gouvernement et la corruption inhérente au système s'arrête à de vagues allusions. Ainsi, même la composante émotionnelle fait déjà vu au lieu d'être franchement sincère, ce qui donne le sentiment que Some Nights I Feel Like Walking n'a pas grand intérêt, au-delà de tout ce qui est strictement superficiel.
Some Nights I Feel Like Walking est une coproduction entre les Philippines, l'Italie et Singapour qui a réuni les efforts de Daluyong Studios et Origin8 Media, en coproduction avec Giraffe Pictures, Momo Film Co et Volos Films. Les ventes internationales du film sont gérées par Parallax Films.
(Traduit de l'anglais)
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