Critique : ¿Es el enemigo? La película de Gila
par Alfonso Rivera
- Alexis Morante reconstitue le temps où le formidable humoriste Miguel Gila a participé à la guerre civile espagnole, une expérience traumatisante dont le comique a su rire dans ses monologues
Il y a quelques mois, David Trueba rendait hommage à Eugenio dans Saben aquell, un titre qui se référait au célèbre tic de langage dont usait, au début de ses numéros sur scène, l'humoriste aux petits airs sérieux, avec ses lunettes noires et sa cigarette au bec en guise d'armure. Alexis Morante (El universo de Óliver [+lire aussi :
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fiche film]) fait à présent quelque chose de similaire pour évoquer un autre comique espagnol, Miguel Gila, qui entamait ses amusantes palabres téléphone en main, habillé en soldat, en demandant à parler à l'adversaire. ¿Es el enemigo? La película de Gila [+lire aussi :
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fiche film] a été dévoilé au dernier Festival de San Sebastian et il vient de jouer au Festival du cinéma européen de Séville, peu avant sa sortie dans les salles nationales, prévue pour le 13 décembre, avec Filmax.
Cependant, si Trueba construisait, à travers la figure d'Eugenio, une sorte de biopic où se détachait la relation amoureuse du Catalan avec sa première femme, Morante a choisi de dépeindre Miguel Gila jeune quand il a dû, contre son gré mais forcé par la guerre civile sanglante qui déchirait l'Espagne, s'engager dans l’armée républicaine. Le jeune homme laisse derrière lui sa grand-mère cinéphile, mais il emmène avec lui son inénarrable sens de l’humour. Armé de cet humour, en plein enfer, il va réussir à véhiculer un peu d’optimisme et remonter le moral de ses camarades de patrouille quand on leur confie la mission de rester garder un village abandonné dans les montagnes.
Ce qui suit, ce sont les hauts et les bas par lesquels on passe forcément quand on survit à l'horreur, et on voit que malgré son optimisme, notre héros aussi va être affecté par la cruauté ambiante. Le film évolue ainsi entre le drame, le film de guerre et la comédie grâce à l'humour de ce Miguel Gila qui, dans une des scènes les plus mémorables (celle du bücher) de ce film à l’esprit commercial, parvient à transmettre de l’espoir non seulement à ses camarades de bataillon, mais aussi au spectateur lui-même.
Une grande partie du succès de l’émotion et de l'humour qui forment le tissu de cette comédie dramatique (qui rappelle forcément un peu La Vie est belle de Roberto Benigni et MASH de Robert Altman) vient du charisme d'Oscar Lasarte, l’acteur qui incarne Gila, une vrai révélation – qui vient lui-même du petit monde du stand-up et des spectacles de magie et parvient à répéter les blagues du maestro avec un ton, un plaisir et une ironie semblables à ce qu'on trouvait chez le maestro.
¿Es el enemigo? La película de Gila, inspiré du livre El libro de Gila. Antología cómica de obra y vida écrit par feu le comique madrilène (qui est aussi intervenu comme acteur dans plusieurs longs-métrages au fil de sa carrière artistique) ne se contente pas d'être un hommage sincère et respectueux à son talent : c'est aussi et surtout un plaidoyer pacifiste (c'est vraiment ce trait qui se démarque le plus dans ce film qui fait sourire mais aussi ressentir un peu d'amertume) qui arrive à se moquer de quelque chose qui n’a rien de drôle (la stupidité de toutes les guerres). C'est que, comme on l'entend à un moment de ce film divertissant : "la vie est une blague".
¿Es el enemigo? La película de Gila est une coproduction hispano-portugaise qui a réuni les efforts de Pecado Films, Arcadia Motion Pictures et Philmo Capital AIE, en coproduction avec Nu Boyana Portugal. Filmax s'occupe aussi de la distribution du film à l'international.
(Traduit de l'espagnol)
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