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LES ARCS 2024

Critique : Touch

par 

- Dans ce drame romantique transcontinental, Baltasar Kormákur procède avec plus de douceur que d'habitude

Critique : Touch
Egill Ólafsson dans Touch

Ólafur Jóhann Ólafsson, qui a écrit le roman dont Touch est l'adaptation et qui a contribué au scénario du film, jouit d'une carrière de romancier jalonnée de prix, mais le détail le plus intrigant de sa biographie est son rôle dans la création de la console de jeux PlayStation quand il était cadre chez Sony. Le film est un récit en abyme qui relie les pays insulaires que sont l’Islande, le Royaume-Uni et le Japon, et l’obsession croissante du personnage principal, Kristopher, pour ce dernier pays semble refléter la carrière éclectique d'Òlafsson, ainsi que la coopération internationale qui a commencé de naître (malgré la Guerre froide) à la fin du XXe siècle. L'histoire d'amour étalée sur plusieurs époques que propose le prolifique réalisateur islandais Baltasar Kormákur, jamais trop exigeante, mais souvent prenante et légèrement excentrique, a été sélectionnée pour représenter le pays aux Oscars. Grâce à Focus Features qui l'a lancé partout dans le monde, le film a eu un parcours international très réussi après sa première mondiale tranquille au Festival de Sydney. Il est présentement au programme du Les Arcs Film Festival.

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Kormákur a fait des films d’action hollywoodiens avec des gros durs pour personnages, comme Everest [+lire aussi :
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et 2 Guns, mais ici, il change de rythme et présente un travail qui s’adresse à un public plus âgé et peut-être peu exigeant, car la température ne monte jamais au-dessus de celle d'un thé avec un nuage de lait. Cependant, ce récit sur un étudiant islandais démissionnaire dont la passion passe du communisme à la gastronomie, qui va ensuite vivre une histoire éphémère avec une collègue dans le restaurant japonais où il travaille, a un franc-parler louable, tout en excellant aussi dans la beauté grand angle très picturale qui est pour Kormákur une seconde nature. Le film, qui intercale dans son récit situé pendant l'ère encore toute récente du Covid-19 des passages situés dans les années 1960, rappelle aussi Paris, Texas, mais avec 40 % de sa force.

La structure narrative de type littéraire du film, reprenant celle de son matériel source, n’est ici pas occultée. On est ainsi transportés dans la conscience et les souvenirs de Kristopher (Egill Ólafsson), un Islandais distingué et grisonnant probablement pas très éloigné d'Ólafur Jóhann Ólafsson lui-même, un veuf qui cherche à régler ses affaires après qu’on lui ait annoncé qu'il est atteint de démence. Sa détermination et ses sentiments sans filtre, alors qu'il se rend compte peu à peu de la préciosité de la phase de sa vie qu’il traverse actuellement, font à vrai dire de lui un héros imprévisible assez amusant à suivre : très vite, il prend l'avion pour Londres, en mai 2020, sans se soucier de la menace du virus par rapport à sa tranche d'âge ni du fait que les habitants de la ville se préparent, anxieux, à entamer une période de confinement.

Les scènes d'ouverture, où le personnage répète à voix haute des recettes et des haïkus, laissant pressentir ce qui suivra (tout en aidant sa mémoire à conserver son agilité), son parcours improbable, de la London School of Economics School à l'arrière-cuisine d’un restaurant japonais à Soho, est ensuite relaté à travers un flashback (où il est très bien incarné par Pálmi Kormákur, le fils du réalisateur). C'est là qu'il tombe amoureux de la belle Miko (Kôki), et voit leur relation compliquée par le fait que le père de cette dernière, Takahashi (Masahiro Motoki), qui est aussi son patron, a posé un véto absolu, totalement démodé, à tout prétendant sérieux que s'attacherait sa fille.

Ces scènes se déploient très lentement, nous laissant savourer l’ambiance de l'époque et l’alchimie entre les personnages comme on exhalerait, un peu dans les vapes, un volute de fumée après une bouffée de joint – ce qu'encouragent aussi la musique, typique de l’époque, des Zombies et de Nick Drake, ainsi que la comparaison de Kristopher et Miko avec John Lennon et Yoko Ono. Après cela, Kormákur hâte le rythme et diminue ce faisant la crédibilité de l'histoire, au moment où le désir de Kristopher de savoir ce qu'est devenu son grand amour l’amène à Tokyo, tandis que le monde se rouvre doucement grâce à l'arrivée du vaccin et que toutes nos questions, y compris de pertinence politique, trouvent leur réponse. Au début, on a l'impression que Touch ne contient aucun conflit, après quoi on se retrouve soudain face à un barrage d’exposition qu'il faut engranger, et qui propose aussi des connexions narratives avec les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki qui servent à déployer maladroitement la tragédie pour aller vers une catharsis.

Touch a été produit par Good Chaos (Royaume-Uni), RVK Studios (Islande) et Focus Features (États-Unis), qui assure aussi la distribution du film partout dans le monde.

(Traduit de l'anglais)

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