Critique : Sima’s Song
par Ola Salwa
- Dans le film de Roya Sadat, sur deux amis qui vivent en Afghanistan à la veille de l'invasion de 1978 par les Soviétiques, la chose politique éclipse le récit personnel
La réalisatrice afghane Roya Sadat analyse l'agitation politique qui a mené à l'invasion de Kaboul par les Soviétiques, en 1978, à travers l'histoire de deux amis qui se retrouvent aux deux côtés opposés du conflit. Sima’s Song [+lire aussi :
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fiche film], qui a fait sa première mondiale au Festival de Tokyo et célèbre à présent sa première dans la région MENA au 4e RFestival de la Mer Rouge, est un travail ambitieux qui cherche à souligner le rôle des femmes dans le paysage politique et sonder l'origine de la situation compliquée de l'Afghanistan.
Sadat encadre le film avec une impressionnante scène de manifestation : en 2023, à Kaboul, les femmes sont descendues dans la rue pour demander "du pain, du travail, de la liberté". Le procédé ancre le récit dans la réalité présente de l'Afghanistan et relie les événements historiques dépeints dans le film au combat actuel pour les droits des femmes sous le régime taliban.
L'histoire a pour héroïne Suraya (Mozhdah Jamalzadah) qui, des décennies plus tard, prendra part à la manifestation. En 1978, elle est une jeune fille de la classe moyenne élevée, pleine d'espoir, qui se rattache aux idéaux communistes. Sa meilleure amie, Sima (Nelofer Pazira), est une talentueuse chanteuse appartenant à un milieu plus humble et traditionnel dans sa pratique de la religion musulmane. L'émouvante interprétation par Sima d'une chanson traditionnelle afghane va revenir tout au long du film qui symbolise l'identité culturelle en plein chaos politique. Cependant, trop souvent, le film tourne son attention vers les rouages du pouvoir au sens plus large, au lieu de se concentrer sur ses deux héroïnes et de livrer ainsi d'elles un portrait plus complexe et nuancé. La toile de fond politique (en particulier les tensions entre les factions Khalq et Parcham) manque parfois de clarté, malgré l'effort de l'auteure pour clarifier certains termes et noms au moyen de sous-titres. Cet accent mis sur la situation politique complexe du pays détourne du drame humain, ce qui rend le récit difficile à suivre pour les spectateurs plus intéressés par le parcours des personnages. Cela dit, malgré tout, Sima’s Song reste une tentative louable de réinsérer les femmes dans l'histoire de l'Afghanistan. Le choix de Sadat de mettre des points de vue féminins au premier plan dans un contexte historique dominé par les hommes et à la fois courageux et nécessaire. Alors même que la parole des femmes continue d'être étouffée, ce film est un rappel de l'importance qu'il y a à raconter ces histoires. Sima’s Song pourrait ne pas satisfaire entièrement les spectateurs qui préfèrent des personnages profonds à l'exposition du contexte historique, mais il n'en reste pas moins que le message du film résonne en profondeur.
Sima’s Song a réuni les efforts de l'Espagne, des Pays-Bas, de la France, de Taïwan, de la Grèce et de l'Afghanistan. Le film a été produit par Alba Sotorra et BALDR Films, en coproduction avec Urban Factory, Volos Films, Asterisk* Films, Homemade Films et Roya Film House. Ses ventes internationales sont assurées par la société allemande Pluto Film.
(Traduit de l'anglais)
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