Critique : Silver Star
par Fabien Lemercier
- Les étonnants cinéastes français Lola Bessis et Ruben Amar signent aux États-Unis un road movie tendu, plein de charme et d’humour, à la Thelma et Louise

Ils avaient surgi en 2013 à l’affiche du SXSW d’Austin avec Swim Little Fish Swim [+lire aussi :
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interview : Ruben Amar, Lola Bessis
fiche film], un premier long métrage dont le récit était ancré à New York et qui avait bien voyagé dans le circuit festivalier mondial (notamment jusqu’à Rotterdam). Les Frenchies Lola Bessis et Ruben Amar ont décidemment les États-Unis et son cinéma indépendant dans le sang puisque les voilà de retour avec Silver Star, qui navigue du Connecticut au Kentucky en passant par Cincinnati dans le sillage de deux jeunes femmes peu gâtées par l’existence et réunies par d’improbables circonstances en un road movie dynamique, amusant et globalement très plaisant dévoilé en septembre dernier à Deauville et projeté au 16ème Les Arcs Film Festival (dans la section Playtime).
"On s‘est rencontré dans une banque." La laconique et impulsive afro-américaine Billie (Troy Leigh-Anne Johnson), issue d’une famille de militaires, est en liberté conditionnelle depuis un mois après une altercation avec un policier qui lui a coûté un œil. Contrainte à suivre un programme de réinsertion (avec tests de santé mentale à l’appui : "avez-vous déjà été excité par la violence ?", "avez-vous des amis ou proches sur qui compter ?", "regrettez-vous les actes ayant conduit à votre incarcération ?", "avez-vous déjà eu envie de mourir ?"), elle est surtout très préoccupée pour la maison de ses parents, qu’elle épie de loin et qui va être vendue aux enchères à cause d’elle et des frais engagés pour sa défense et ses soins médicaux.
Pour résoudre la situation et retrouver son honneur aux yeux de son père handicapé et ancien lieutenant de l’armée américaine décoré par la Silver Star, elle décide de braquer la banque qui accule sa famille. Mais elle est obligée de prendre un otage pour assurer sa fuite et elle tombe sur un cas : la blonde et très bavarde Franny (Grace Van Dien), une ex-toxico célibataire, limite écervelée et enceinte jusqu’au cou, qui vient de se faire virer de son job de prof de gym aquatique et qui a pris la tangente sous la menace de se faire réintégrer dans un établissement pour délinquantes. Commence alors pour le duo un voyage nourri de péripéties tumultueuses avec l’argent en ligne de mire, mais aussi des sentiments retenus qui se libèrent peu à peu…
Sillonnant une Amérique peu reluisante à la American Honey [+lire aussi :
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Q&A : Andrea Arnold
fiche film], porté par de parfaites interprètes et tourné dans un style nerveux caméra à l’épaule, le film trace sa route avec beaucoup de rythme, d’idées et d’énergie, tel un western moderne. Un cheval dans son van, un très méchant dealer, la reconstitution de la bataille de Camp Wildcat (un épisode en 1861 de la guerre de Sécession) où s’illustra la première femme noire engagée dans l’armée américaine (travestie en homme chez les Buffalo Soldiers) : le scénario conjugue habilement le présent et le passé des États-Unis en un cocktail à haut potentiel de sympathie et d’humour surfant sur la recette du duo antagoniste. Une immersion donc réussie pour nos deux cinéastes Frenchies dans l’âme américaine et au cœur d’un cinéma indépendant local héritier de Bonnie and Clyde et de Thelma et Louise.
Silver Star a été produit par les sociétés françaises Les Films de la Fusée et Middlemen. Pulsar Content pilote les ventes internationales.
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