email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2025 Compétition Tiger

Critique : Perla

par 

- Le deuxième long d'Alexandra Makarová est un mélodrame chargé de tension sur les difficultés qui s'accumulent sur le chemin d'une artiste slovaque qui a fui à Vienne après le Printemps de Prague

Critique : Perla
Rebeka Poláková dans Perla

Perla (Rebeka Poláková) a passé le plus gros de sa vie d’adulte à courir, mais surtout au sens métaphorique du terme. Après le Printemps de Prague de 1968, elle a traversé la frontière de la Tchécoslovaquie vers l’Autriche avec son petit ami (qui n’a pas eu la même chance qu'elle) alors qu’elle était très enceinte, et cette expérience cataclysmique ne l'a jamais vraiment quittée. Le fil rouge principal de l’histoire commence en 1981. Perla est désormais peintre à Vienne, et son talent suscite l’intérêt de plusieurs galeries internationales, ce qui ne l'empêche pas d'avoir du mal à payer les leçons de piano de sa fille Julia (Carmen Diego), qui a bien grandi. Le deuxième long-métrage d'Alexandra Makarová, Perla [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Alexandra Makarová
fiche film
]
, qui porte, donc, pertinemment, le nom de son intrépide héroïne, traque les forces contraires à l'œuvre (celle d'aller de l'avant et de rechercher une satisfaction existentielle, et celle qui ramène vers l'arrière, vers un passé personnel encore douloureux) avec aplomb jusqu'à un dénouement rude et sérieux. Le film a fait sa première dans le cadre de la compétition Tiger de l'IFFR,  où il a été très bien reçu.

Son nouveau petit ami Josef (Simon Schwarz), plus âgé, lui offre tardivement dans sa vie l'occasion de former une famille nucléaire apparemment confortable, mais cette façade attirante ne fait qu’intensifier ce qu’elle réprime derrière ça, ainsi que le fait que son destin est en train de la rattraper. Andrej (Noël Czuczor), l'ex-petit ami susmentionné, est sorti de prison (après une sentence dont on suppose qu'elle avait été rendue pour militantisme, comme le suggèrent les images d’archives qui ouvrent le film et préviennent les gens de l’invasion imminente du Pacte de Varsovie) et l'appelle au téléphone, ce qui est la dernière chose qu'elle souhaitait. Son état de santé est mauvais, ce qui augmente le sentiment de culpabilité de Perla et l'engage à retourner à Košice et dans son village natal, non loin, pour mettre ses affaires en ordre.

Makarová, qui est également la scénariste du film, fait pivoter la source de tension à partir du début du deuxième acte en réunissant les trois personnages adultes principaux dans une relation triangulaire torturée. Contrairement à ce qui tend à être la mode dans les drames historiques qu'on voit dans les festivals de catégorie 1, elle semble plus intéressée par le pur récit que par l'idée d'insérer un propos à travers des nuances dans les détails ou les textures : comme on l'a dit (et comme le soulignent aussi les indications temporelles claires qui surviennent à trois moments clefs du film), on évolue toujours vers une catharsis ou un règlement de comptes, avec le triste destin du bloc soviétique bien présent dans notre esprit. Aussi contradictoire que cela puisse sembler, elle livre ici un mélodrame "en sourdine" et Perla (affectée par des symptômes du stress post-traumatique à l'évidence liés à une agression sexuelle qu’elle a subie quand elle fuyait) est la seule présence vivace dans ses compositions rigoureuses, qui reconstituent très minutieusement cette période historique. d’époque. Si le film n'est pas aussi complet ou déstabilisant dans sa manière de procéder, il se rapproche assez des films historiques de Christian Petzold (notamment Barbara [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Christian Petzold
fiche film
]
et Transit [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Christian Petzold
interview : Franz Rogowski
fiche film
]
), ou même de L'insoutenable légèreté de l'être de Kundera, la puissance du régime communiste tchèque constituant une menace qui plane.

Le film a été développé dans le cadre du programme d’écriture de scénario destiné aux autrices “If She Can See It, She Can Be It”, et on sent bien et bien que la construction du personnage de Perla de même que l’interprétation de Poláková s'opposent fermement aux représentations timides des rôles de genre ainsi que des attitudes par rapport à la maternité. Perla vit pour elle-même, à chaque instant, frustrant les désirs de ceux qui cherchent à obtenir quelque chose d’elle. Elle n’est jamais poussée, par culpabilité, à traiter avec déférence Josef (qui est sans conteste un homme bien), à se sentir une dette par rapport à Andrej ou même à se laisser fléchir par les préférences de Julia, aussi nettement exprimées qu'elles puissent être. Le parcours de retour à son pays natal qu'elle entame prudemment est son choix, et ses affaires, même si le dénouement pessimiste du film inflige une punition qui pourrait, étrangement, lui permettre d'être enfin en paix.

Perla est une coproduction entre l’Autriche et la Slovaquie qui a réuni les efforts de Golden Girls Filmproduktion, Hailstone et Ruth Beckermann Filmproduktion. Les ventes internationales du film sont gérées par Cercamon.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy