email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2025 Compétition Tiger

Critique : First Person Plural

par 

- Ce film de Sandro Aguilar est une force cinématographique magnétique qui évolue brillamment dans le labyrinthe des émotions humaines

Critique : First Person Plural
Albano Jerónimo dans First Person Plural

Le troisième long-métrage de Sandro Aguilar, First Person Plural [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Sandro Aguilar
fiche film
]
, participe cette année à la compétition Tiger de l'IFFR. Dans ce film, on suit des événements qui se déploient la veille du voyage d’un couple vers une station balnéaire tropicale de luxe, pour fêter leur vingtième anniversaire de mariage. Irene (Isabel Abreu), Mateus (Albano Jerónimo) et leur fils (Eduardo Aguilar) sont les trois forces motrices qui nous entraînent ici sur un sentier en forme de vaste jeu de dupes et de réflexions, intérieur mais aussi extérieur, où les règles de la linéarité (narrative et de comportement) deviennent profondément floues, reflétant la complexité des êtres humains et de la vie.

Chaque personnage va dans une direction spécifique : Mateus doit se rendre à un enterrement dans une autre ville ; Irene reste chez elle puis va au travail ; sans que ses parents le sachent, leur fils fugue pendant une excursion scolaire et se met à errer dans différents endroits. À mesure que que le film avance, ils s'éloignent physiquement, mais semblent incapables d'échapper à eux-mêmes, et les uns aux autres. Ils rencontrent différents personnages qui se manifestent sous la forme de leurs partenaires respectifs ou, dans le cas du fils, de ses parents. C’est en naviguant (ou en s'immergeant) dans leur propre labyrinthe (de plus en tortueux et de plus en plus grand) que leur traumatismes et désirs jaillissent, intensément, comme des démons auxquels il faut faire face, devant lesquels ils ne peuvent plus fuir.

L’expression "ce n'est pas la destination qui compte, c’est le parcours" s'applique très bien à ce théâtre de l’absurde où aucune conclusion absolue ne peut être tirée, ce qui contribue très largement à la magie de l'énigme posée. Si on considère sous un angle fortement performatif le jeu des corps (et des identités de chacun), on en apprend ici beaucoup sur les personnages, dès le premier regard, à certains gestes tout simples, ou un peu bizarres : Mateus qui porte un masque couvrant tout son visage tandis que ses mains et sa posture dénoncent par leur danse un trouble obsessionnel compulsif ; plus tard, Irene allongée dans un beau lit les mains tendues vers le haut (comme arrêtée en plein mouvement), les yeux couverts par un masque de nuit tandis que de ses lèvres jaillissent des mots et que son corps se meut lentement, comme si elle était en train de céder à l’influence de sédatifs. Toute la chorégraphie névrotique à laquelle on assiste tout au long du film est mise en valeur non seulement par le beau travail que font les acteurs, mais aussi par une approche visuelle bien composée, ce qui fait qu'on perçoit inévitablement un part de contrôle (ou de tentative de contrôle) à l'opposé des trips hallucinés que vivent les personnages. La photographie très habile et fluide de Rui Xavier ajoutée aux décors étonnants de Nádia Henriques génère une sensation sombre mais paradisiaque à chaque scène. Cependant, là où réside le paradis, l'enfer s'effiloche, ce qui permet aux différents mouvements du récit formulé par Sandro Aguilar d’avoir un effet encore plus puissant – les surfaces incontrôlables et parfois impossibles à expliquer. Le choc des émotions contradictoires que sont la délectation visuelle et esthétique et le malaise causé par des interprétations extrêmement crues crée un magnétisme puissant qui promet de résonner longtemps dans l'âme et le corps du spectateur.

C’est dans le décor final du film, celui de la station balnéaire tropicale de luxe (en prévision de laquelle le couple a dû faire plusieurs vaccins, avec de possibles effets secondaires en chemin) que toutes les réflexions et projections retombent. Par une touche très simple de vulnérabilité trouvée dans une étreinte émue, les personnages font un pas en avant dans ce parcours pour se rapprocher de "nous", première personne du pluriel et du singulier.

First Person Plural a été produit par O Som e a Fúria en coproduction avec La Sarraz Pictures. Les ventes internationales du film sont assurées par Portugal Film.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy