email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2025 Compétition Big Screen

Critique : Our Father – The Last Days of a Dictator

par 

- José Filipe Costa présente une impressionnante méditation sur le maintien du statu quo à travers la fictionnalisation d'une période de l'histoire du Portugal juste avant la révolution

Critique : Our Father – The Last Days of a Dictator
Jorge Mota et Catarina Avelar dans Our Father – The Last Days of a Dictator

On l’appelle "Monsieur le Président", même si il n’est plus au pouvoir. José Filipe Costa présente, dans le carton qui ouvre Our Father – The Last Days of a Dictator [+lire aussi :
interview : José Filipe Costa
fiche film
]
, tout ce qu’on a besoin de savoir sur le contexte historique à partir duquel son nouveau film, qui a fait sa première à l'IFFR, est construit. Pendant les années qui ont mené à la révolution des Œillets du 25 avril 1974 et la chute de la dictature portugaise, le chef d'État António de Oliveira Salazar a vécu presque entièrement alité, ayant fait un accident vasculaire cérébral en 1968. Salazar a piloté un régime dictatorial pendant 36 ans. Après son attaque, il a promptement été remplacé, mais on l'a laissé vivre chez lui, sans qu’il soit vraiment informé du fait qu’il n’avait plus vraiment de pouvoir.

À partir de là, le réalisateur fictionnalise et montre comment les gens de l'entourage de Salazar (Jorge Mota), résolus à s’assurer qu’il va continuer de "régner" de chez lui, jouent une sorte de simulacre évoquant The Truman Show par lequel ils prétendent qu'il est encore au pouvoir bien qu'ils soient conscients que le monde continue d'avancer pendant ce temps-là. Ce vase clos illusoire est piloté par sa gouvernante, une femme âgée dévouée, stricte et obséquieuse nommée Maria (Catarina Avelar) qui contrôle toute la maisonnée avec une main de fer et de petits actes de violence.

Maria est, à vrai dire, la création la plus fascinante de Filipe Costa. Entre ses bajoues et ses poches sous les yeux, son visage fait penser à la tête d'un basset, mais son regard sans émotion est tout à fait terrifiant. "Maria vit ma vie et me protège mieux que la police", dit Salazar. D'autres gens, à la table, se souviennent comment elle était dans sa vingtaine (et déjà trop vieille pour se marier, fait observer quelqu’un), quand on l'a amenée de la campagne pour servir Salazar, après quoi elle a grandi à ses côtés : qu'il reste au pouvoir est devenu le travail de sa vie.

Filipe Costa construit un diorama à taille réelle fascinant, qui intègre la banalité troublante et tranquille du mal à travers le même prisme qu'un film comme La Zone d'intérêt [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, tout en se focalisant sur les dynamiques existant au sein d'un foyer, comme celles qu’on trouve dans Je suis encore là [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, où des vérités non dites et non reconnus planent au-dessus de chaque mouvement entre les murs de cette demeure. Trois jeunes domestiques (joués par Vera Barreto, Carolina Amaral et Cleia Almeida) représentent le monde qui continue de tourner à l'extérieur et tous ceux qui ne croient pas au fantasme : ils rêvent d’acheter un grand manteau (marqueur de richesse) et de fuir cette maison pour toujours. Sans effets de manche, Our Father – The Last Days of a Dictator s'avère un des films les plus chargés de la compétition Big Screen du festival, car il constitue aussi un commentaire fort sur les basculements politiques en train de se produire dans le monde en ce moment. Le film procède à travers des conversations lentes et pénétrantes où le malaise se fait sentir à travers des pauses lourdes de sens où la façade vacille.

La photographie de Vasco Viana reste assez conventionnelle, mais Filipe Costa passe par le travail du designer sonore Carlos Abreu pour élever l’histoire au-dessus du réel : le tic-tac des horloges et le gloussement des poules semble toujours un peu trop fort et des sons ambiants inquiétants viennent casser des scènes les plus tendues. Les métaphores animales qui inondent les cauchemars de Salazar représentent l’autre facette de ce film autrement réaliste : la vision d'une dinde hante ses rêves, des lueurs rouges apparaissent dans ses yeux et des moutons se réunissent en de vastes troupeaux comme une foule qui attendrait le triste destin du dictateur. Ces séquences représentant la perspective de Salazar ponctuent régulièrement le film, nous offrant un aperçu de l’intérieur de l’esprit du dictateur à travers ses images finales. Est-ce que Salazar comprend ce qui se passe ou est-ce qu’il ne fait que semblant d’y croire, comme le désirent ceux qui l'entourent ? Est-ce que Maria est effectivement la personne au pouvoir pendant qu’il est malade et surtout, question cruciale : est-ce qu’on ose ressentir de l’empathie pour lui ?

Our Father – The Last Days of a Dictator a été produit par la société portugaise Uma Pedra no Sapato. Les ventes internationales du film sont assurées par Portugal Film.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy