IFFR 2025 Compétition Big Screen
Critique : Back to the Family
par Olivia Popp
- Le réalisateur lituanien Šarūnas Bartas scrute les dynamiques tendues au sein d'une famille rurale quand revient une jeune femme pour accompagner sa grand-mère dans ses derniers jours

Les tableaux de la vie rurale et "provinciale" ont brillé cette année dans la compétition Big Screen de l'IFFR, et l'affirmation s'applique au nouveau film d’un des réalisateurs les plus connus et prolifiques de Lituanie, Šarūnas Bartas. Dans Back to the Family, coécrit avec Ognjen Sviličić, le cinéaste, connu pour les nombreux films qu'il a présentés à Cannes (notamment le film sans dialogue Few of Us, ainsi que A casa, Peace to Us in our Dreams [+lire aussi :
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fiche film]), nous transporte dans la campagne lituanienne. Le film, qui commence et s'achève dans le bus avec son héroïne (qui s'avère, par un intéressant effet de pirouette, être davantage notre guide dans les méandres de la famille au centre du film que son héroïne à proprement parler), nous permet de d’assister à son retour et aux événements familiaux qui vont s'ensuivre, dans la logique d'une vraie tranche de vie.
Simona (Neringa Puidokaitė) retourne dans son village natal parce que sa chère grand-mère maternelle, qui s’est occupée d’elle quand elle était petite, est à l'article de la mort. La jeune femme, cheveux de jais, voix faible et rauque, affiche une expression peinée dès qu'elle passe le pas de la porte, mais on apprend vite à ne pas lui en vouloir pour son air sinistre : son beau-père (Rolandas Junevičius) la harcèle sexuellement et sa mère (Rima Paškauskaitė) est alcoolique, de sorte qu'elle a une relation extrêmement hostile avec eux deux. Bartas a réuni pour ce film choral un groupe d’acteurs accomplis, dont c'est néanmoins pour beaucoup leur premier long-métrage de fiction.
Dans les décors (de Sabīne Strauberga et Jānis Kalniņš) prédominent les teintes marrons qui donnent à cet environnement familial un air morose qui se retrouve aussi dans les couleurs de la nature environnante. Les conversations ont même un ton d'humour caustique, car Simona les entend aligner les justifications dérisoires et les insultes mesquines. Les spectateurs reconnaîtront là, sans nul doute, quelques schémas existant dans leurs propres familles, et pourront se rapporter à celle de Simona.
Soutenu par le travail du chef opérateur Lukas Karalius, Bartas reste souvent intensément proche de ses sujets pendant les conversations à deux personnes, cadrant leurs visages en gros plan pour donner le sentiment d'un réalisme social rugueux et capter la moindre réaction de chacune des parties. D’autres fois, la caméra s'éloigne mais reste, fixe, pour garder un œil sur de longs passages argumentatifs qui ne tombent jamais, grâce au talent du cinéaste, sur le terrain du mélodrame. Dans deux scènes marquantes, cependant, l’extérieur de marbre de Simona se fissure sur le coup de l’émotion : quand elle réconforte son frère cadet puis vers la fin, quand la tristesse et la frustration accumulées ressortent et la secouent de sanglots. Ces deux pauses suffisent largement à dévoiler les sous-entendus dans les dialogues sans forcer les personnages à se hurler dessus à l’écran.
Cet épisode familial de 90 minutes se termine aussi vite qu’il a commencé, quand Simona se défait sans cérémonie de ce chaos et retourne à l’arrêt de bus pour partir. Ce choix montre avec quelle lucidité Bartas choisit une approche consistant à simplement observer et chercher à comprendre au lieu de juger, approche qui consolide le portrait direct et sans ambages qu'il livre de cette famille rurale jamais présentée comme socialement inférieure, mais simplement comme un fait.
Back to the Family a été produit par Studija Kinema (Lituanie) et KinoElektron (France) en coproduction avec Message Film (Pologne), Mistrus Media (Lettonie) et CineLine EDelivery (Pologne). KinoElektron gère aussi les droits du film à l'international.
(Traduit de l'anglais)
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