IFFR 2025 Compétition Big Screen
Critique : Raptures
par David Katz
- Dans ce drame historique, Jon Blåhed évoque le mouvement suédois "Korpela", une forme de protestantisme radical qui de simplement dérangeante, est devenue de plus en plus tyrannique

Avec son deuxième long-métrage, Raptures [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], Jon Blåhed amène dans la section compétition Big Screen de Rotterdam un film portant l’héritage nordique peu commun en son genre, qui dramatise et fictionnalise légèrement un schisme religieux survenu au sein de la communauté finlandaise du nord de la Suède. Même si la terminologie utilisée et les éléments théologiques peuvent paraître très lointains pour les spectateurs du reste du monde (a fortiori s'ils sont non-croyants), ce qu'offre le film est une immersion fascinante dans l’histoire de la région à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, dont les traits et éléments de contexte trouvent des échos dans le monde d'aujourd’hui. Et tout cela s'ajoute à quelques interprétations de situations de "possession" merveilleusement passionnées, avec des acteurs poussant des cris stridents en direction des cieux tout en évoquant des arches d'or censées embarquer 666 élus.
Si la précision est condescendante, vous m'en excuserez, mais pour ceux qui connaissent mal le un mouvement conservateur luthérien nommé læstadianisme, attendez donc d’en savoir plus sur la secte Korpela, censée être similaire à quelques éléments près, bien qu'elle ait jeté le discrédit sur l'ensemble de cette communauté, en particulier les Finlandais résistant à une pleine intégration dans la société suédoise. De plus, pour la touche d'authenticité (merveilleuse), les dialogues sont avant tout en meänkieli, une langue finno-ougrienne spécifique à la Tornédalie, la région frontalière où le film se passe, et dont vient Blåhed.
Le récit des événements historiques (et de la chute du mouvement Korpela au niveau d'un culte proche d'un certain évangélisme américain) suit les faits presque à la lettre, mais Blåhed (s'inspirant d'un roman de Bengt Pohjanen) a la sagesse de tout relater à travers le parcours d'un couple fictionnel, Rakel (Jessica Grabowsky) et Teodor (Jakob Öhrman). Elle est enseignante, sincère mais bourrée de principes, et lui est un homme loyal à sa communauté qui va ensuite profiter d'un vide de pouvoir, quand Toivo Korpela quitte le mouvement qu’il a fondé.
Ce qui suit est une enquête, souvent familière et prévisible mais néanmoins intéressante, sur la coercition, la radicalisation et la masculinité dans sa toxicité la plus putride. D’abord, Teodor adapte le livre de Daniel, qui prédit l'Apocalypse, pour invoquer une fin des temps désormais proche et l'existence (complètement farfelue mais certainement inventive) d'une arche d'or menant à la Palestine, ce qui entraîne un regain de frénésie dévote et de désir de transcendance. Sous l'œil attentif de Rakel, qui se sent coupable pour ne pas arriver à faire un enfant à ajouter à sa belle-fille, née du mariage précédent de Teodor, il tombe dans une stupeur alcoolique et se met (de manière dérangeante) à rechercher les faveurs d'autres femmes de la communauté.
Heureusement, Teodor finira par être appréhendé. Cela dit, la plus grande réussite de Blåhed dans ce film est qu'il arrive à placer tous ces événements dans leur contexte, au sens large. En effet, le déclin du mouvement Korpela fait l'effet d'un mal parmi tant d’autres. Sur la politique contemporaine a de nouveau pris le pas le populisme nativiste et même dans cette partie du monde où cohabitent différents types de Scandinaves, mais que les gens de l’extérieur perçoivent de manière erronée comme homogène, l'assimilation et l'extermination de la culture et de l'héritage sont de mise. À travers les sous-titres, de différentes couleurs selon qu'ils traduisent le meänkieli, le finlandais ou le suédois, le son de cette troisième langue est toujours caractérisé comme une menace.
Au-delà de ça, les spectateurs, de la région ou pas, se rappelleront les récents films d'horreur "de haut niveau" Midsommar and The Witch [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], parce qu'ils décrivent aussi des rituels typiques des sectes et explorent les traditions folkloriques scandinaves dans le cas du premier, le puritanisme rigide dans le cas du second. Raptures présente aussi l'atout de ramener ces récits spéculatifs sur le terrain de la fidélité à l'histoire et du sensationnalisme moindre, bien que le fait d'être moins distinctif comme œuvre cinématographique lui fasse quelque tort.
Raptures est une production finno-suédoise pilotée par Iris Film AB, en coproduction avec Rabbit Films Oy. Les ventes internationales du film sont gérées par Picture Tree International.
(Traduit de l'anglais)
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