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BERLINALE 2025 Panorama

Critique : Cicadas

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- BERLINALE 2025 : Ina Weisse dissèque une zone d'intersection entre différents milieux sociaux, et fait ainsi le jour sur un trouble commun caché dans les fissures entre toutes les parties concernées

Critique : Cicadas
Nina Hoss et Saskia Rosendahl dans Cicadas

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, la comédienne, scénariste et réalisatrice Ina Weisse retrouve la star Nina Hoss pour Cicadas [+lire aussi :
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(dont Hoss est également la productrice déléguée), un titre bien mené, tourné en allemand et en français, qui confirme le talent de metteuse en scène de Weisse. Le film, présenté en première mondiale à la 75e Berlinale dans la section Panorama, met aussi en valeur ses qualités de scénariste. Quoique plus feutré que son film précédent, Cicadas repose sur une écriture tout aussi rigoureuse.

Isabell (Hoss), 48 ans, agente immobilière spécialisée dans les biens haut de gamme, est à l'aise financièrement, mais sa vie est fortement compliquée par des problèmes personnels : aucun aide-soignant ne tient longtemps avec sa mère âgée et son père souffrant, compte tenu des besoins et de la personnalité du vieillard, et Isabell voit par ailleurs son mariage avec l'ingénieur français Philippe (Vincent Macaigne) se désintégrer. Pour Anja (Saskia Rosendahl), une jeune mère célibataire, c'est l'inverse : elle passe d'un métier de service à l'autre pour survivre avec sa fille Greta, qu'elle est souvent forcée de laisser jouer seule dans le village du Brandebourg où elle habite, de même que les parents d'Isabell. Entre les deux femmes se noue un lien atypique, né de leur désir profond d'avoir une relation qui ait du sens, fondée sur de l'admiration mutuelle et un certain mystère. Il faut noter que Weisse a fait pour ce film le choix semi-autobiographique de choisir ses propres parents pour incarner ceux d'Isabell, et les cite tous les deux par leur prénom au générique.

Ces deux femmes ont des soucis différents, mais qui se recoupent. Anja voit Isabell d'un autre œil que les gens qui font autrement partie de sa vie. Quant à savoir si cela vient de la condition sociale privilégiée de sa nouvelle amie ou si c'est une expression authentique d'intérêt pour elle, c'est une des grandes questions que pose le film, laissant le spectateur décider lui-même de la réponse. Lors de leur première vraie interaction, Isabell ne peut cacher son dédain pour la jeune femme (elle n'arrive notamment pas à croire qu'elle puisse lire des romans policiers), mais en même temps, elle est curieuse de savoir comment Anja se débrouille avec son enfant. "Qui peut bien vouloir des enfants ? On les met au monde, ils grandissent, ils vous détestent, et puis vous mourrez", dit une femme avec laquelle Anja travaille, mais Isabell n'est peut-être pas de cet avis.

On note que les habitudes de vie distinctes des deux femmes ne sont pas révélées qu'à travers les choix qu'elles font, mais aussi à travers les décors conçus par Petra Ringleb et Katrin Jochimsen. La maison familiale où vivent les parents d'Isabell, designée par Rolf, qui était architecte, est pleine d'objets amassés au fil des ans mais moderne et claire, contrairement à l'appartement d'Anja, sombre et encombré, qu'on n'aperçoit qu'un instant, car la cheffe opératrice Judith Kaufmann fait sa mise au point sur Isabell, ici centrale, ce qui floute le reste et nous permet ainsi presque de voir la réalité sociale de sa camarade à travers son regard.

Dans cette enquête sur les classes socioéconomiques extraordinairement bien rythmée que propose Weisse (où elle n'envisage pas que les contrastes, mais aussi les difficultés qui se présentent quand des gens de différents milieux essaient d'être solidaires), on pourrait s'attendre à ce que le film atteigne un paroxysme plus marqué. Il aurait en outre bénéficié d'un examen plus approfondi de certaines de ses composantes auxquelles il est juste fait allusion, car la plupart de ses secrets se trouvent sous la surface. Cela dit, le dénouement pondéré de Cicadas est peut-être simplement un choix très réaliste marquant un refus de s'incliner devant l'appel du drame, et la tentation de dresser trop durement nos deux héroïnes l'une contre l'autre.

Cicadas a été produit par Lupa Film (Allemagne) en coproduction avec 10:15! Productions (France). Les ventes internationales du film sont gérées par Beta Cinema.

(Traduit de l'anglais)


Galerie de photo 17/02/2025 : Berlinale 2025 - Cicadas

10 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

Ina Weisse
© 2024 Dario Caruso for Cineuropa - dario-caruso.fr, @studio.photo.dar, Dario Caruso

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