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BERLINALE 2025 Forum

Critique : Canone effimero

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- BERLINALE 2025 : Gianluca et Massimiliano De Serio explorent traditions sonores dans différentes régions italiennes à travers un documentaire lyrique qui se fait fresque d'un monde rural oublié

Critique : Canone effimero

Quatre ans après leur film précédent, Una promessa [+lire aussi :
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, les jumeaux Gianluca et Massimiliano De Serio reviennent sur le grand écran avec leur petit dernier, Canone effimero [+lire aussi :
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, sélectionné à la 75e Berlinale dans la section Forum. C’est un film qui se déploie en onze actes, ou préceptes, et se promène dans différentes régions italiennes pour documenter un monde fragile, en voie distinction. Les héros du film sont les locaux qui essaient de faire perdurer des us et coutumes très anciens. Ce qui s'annonce dès les premières images comme un documentaire à la saveur classique, dont les ambitions artistiques se mesurent à son format académique, se transforme peu à peu en un voyage qui s'attache à documenter les choses, certes, mais dans un style soigné. Les longues séquences qui nous donnent à voir les prestations touchantes des chanteurs arbëresh de Lucanie et des chorales polyphoniques ligures alternent avec de brefs plans panoramiques montrant les paysages qui leur servent de décor : une route de campagne, une campagne enneigée, des villages juchés sur les montagnes, en somme des lieux qui racontent de petites histoires que s'enchevêtrent avec la grande histoire, celle de la résistance, du débarquement des Américains en Sicile... Canone effimero se présente comme un manuel de survie.

La géographie dessinée par les frères De Serio est insolite. Parfois, ils suivent les itinéraires fondateurs des pionniers Alan Lomax et Diegi Carpitella qui, dans les années 1950, ont sillonné l'Italie pour en découvrir les trésors cachés et posé les bases de la recherche ethnomusicale nationale (voir, à ce sujet, Ceriana, en Ligurie). Parfois, ils s'arrêtent pour nous montrer des rites religieux, médiatisés par la voix des autochtones et par des écrans de téléphone, un procédé qui illustre bien le désir des De Serio de ne pas attribuer la propriété des images. On va en Basilicate, en Sicile, dans les Marches. On note le besoin des auteurs d'aller dans les zones les plus reculées du pays, pour maintenir le contact avec la réalité et faire pendant aux innombrables images publiées sur les réseaux sociaux qui décrivent l'Italie comme un country club exclusif. Et bien sûr pour immortaliser certaines traditions, exorciser la peur qu’elles disparaissent entièrement.

Dans ce sens, Canone effimero est un document précieux. L’acte de filmer pour conserver est noble, même si c’est un oxymore, comme le suggère le titre du film – puisque les images, depuis le début, aux premiers temps de la pellicule, sont destinées à dépérir. Si d’un côté, le film aurait bénéficié d’un peu plus de rigueur (anciennes ou pas, les traditions n'ont pas toujours une vraie valeur esthétique), de l’autre, on voudrait ne jamais cesser d’écouter les descriptions passionnantes du film : sur la manière dont on fabrique les cornemuses calabraises, la naissance et la transmission des chants populaires, l'interruption du commerce du charbon à dos de mulet à l'arrivée des Américains en Sicile, pendant la Seconde Guerre mondiale. Compte tenu du succès de certaines musiques traditionnelles dans le monde et d'un certain désir de revival présent dans l'horreur folk de ces dernières années, on pourrait affirmer que Canone effimero est, qu'il le veuille ou non, un héritier de son temps.

Canone effimero a été produit par La Sarraz Pictures.

(Traduit de l'italien)

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