Critique : Shadowbox
par Vladan Petkovic
- BERLINALE 2025 : Ce premier long-métrage par le duo indien Tanushree Das-Saumyananda Sahi est un petit film subtil sur l'amour familial, le dévouement et le courage

La monteuse indienne Tanushree Das (du film Shankar’s Fairies, présenté à Locarno en 2021) et le chef opérateur Saumyananda Sahi (qui a notamment filmé All That Breathes [+lire aussi :
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fiche film], primé à Sundance en 2022) sont un couple marié qui ont à présent décidé d'unir leurs talents pour faire leur premier film en tant que scénaristes-réalisateurs. Shadowbox a fait sa première à Berlin dans la section Perspectives.
Maya (Tillotama Shome), qui vit dans la banlieue de Calcutta, cumule trois emplois pour subvenir aux besoins de son fils adolescent, Debu (Sayan Karmakar), et de son mari Sundar (Chandan Bisht), un ancien officier atteint de troubles du stress post-traumatique. Entre ses ménages, ses repassages et ses heures dans un élevage de volailles, Maya essaie de trouver du travail à Sundar, mais il résiste. Et quand elle n'est pas là, c'est Debu qui doit être le parent de son père.
On en sait très peu sur le passé des personnages ; le spectateur est invité à le reconstituer lui-même. On sait que Sundar a été expulsé de l'armée huit ans plus tôt, mais on ne saura jamais pourquoi. Maintenant, il passe ses journées à attraper des grenouilles pour fournir les écoles et à se saouler. Il a toujours l’air perdu et terrifié. Quand Debu l’amène chez le barbier avant un entretien d’embauche, Sundar a peur du rasoir et sursaute hors de son fauteuil, appelant son fils à grands cris et le suppliant de ne pas le laisser ici.
Du côté de Maya, à travers quelques rares interactions avec sa propre famille, on comprend qu’elle s’est mariée avec Sundar contre leur volonté, de sorte qu’elle n'a plus qu'un soutien minime de son frère, et que sa mère ne veut plus lui parler.
Les gens du voisinage forment une sorte de chœur grec qui véhicule des commentaires perfides sur la famille, et Sundar, avec son agressivité maladroite d'ivrogne et son sac-à-dos plein de grenouilles, est la risée de tout le monde, même les amis de Debu. Le pauvre gamin est déchiré entre sa gêne et son amour pour son père – une des nombreuses touches émotionnelles très délicates du film. Le garçon trouve un exutoire créatif dans les chorégraphies qu’il répète avec ses amis, quitte à faire l'école buissonnière.
Sundar semble ne plus servir à rien, sauf à aider Maya à résoudre un problème de mots croisés – c'est d'ailleurs le seul moment où on le voit calme et pondéré. La situation donne qui plus est lieu à plus de tendresse encore, et il masse le dos de sa femme surmenée. Maya, qui court de corvée en corvée, compte chaque sou et fait consciencieusement ses comptes dans un petit carnet, est l’incarnation même du dévouement, du courage et de l’amour, mais aussi de la frustration et de l’exaspération. Quand Sundar vient à manquer, une nuit, et que son copain de beuverie est retrouvé assassiné, elle doit le défendre devant la police et essayer de le retrouver.
C’est une histoire assez condensée avec beaucoup de petits détails qui nous permettent de glaner quelques informations, mais on se demande tout du long ce qui est arrivé à Sundar. La manière dont Bisht le joue, avec les yeux toujours baissés et le langage corporel de quelqu’un qui a subi un traumatisme, suscite l'empathie du spectateur. De son côté, Shome compose un personnage impossible à briser qui porte tout le film.
La photographie, le montage et la musique sont assez classiques, et toujours exécutés avec un dessein clair, et de même, l'éventail des décors extérieurs proposés ont été choisis très sciemment. Les couleurs reflètent le thème principal du film (l’amour familial), mais aussi les changements de dynamique, avec des nuances qui varient, à l'intérieur de la maison, après certains moments charnières de l'intrigue. C’est un petit film subtil qui arrive gentiment à nous pincer le cœur.
Shadowbox est une coproduction entre les sociétés indiennes Moonweave Films, Kiterabbit Films, Wonderful Entertainment, Andolan Films, Jugaad Motion Pictures, Bridge Postworks, Criss Cross Content et Anahat Films, les enseignes américaines honto88 et Gratitude Films, Shasha & Co Production (France) et Nomad Media & Entertainment (Espagne).
(Traduit de l'anglais)
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