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THESSALONIQUE DOCUMENTAIRES 2025

Critique : Coexistence, My Ass!

par 

- Amber Fares s'intéresse à la comique juive Noam Shuster-Eliassi et retrace sa transformation de diplomate à artiste qui provoque son public

Critique : Coexistence, My Ass!

Après avoir fait sa première mondiale à Sundance en début d'année et y avoir décroché le Prix spécial du jury pour la liberté d’expression dans la section World Cinema Documentary Competition, Coexistence, My Ass! [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
d'Amber Fares a gagné l’Alexandre d'or du Festival international du documentaire de Thessalonique la semaine dernière (lire l'article).

En bref, Coexistence, My Ass! est un documentaire fort en forme de comédie dramatique. Dans le film, on suit la comique juive Noam Shuster-Eliassi tandis qu’elle crée un one woman show sur la lutte pour l’égalité en Israël et en Palestine, livrant les détails de sa transformation, de jeune diplomate bercée d’illusions, promouvant pour les Nations unies la coexistence sur le plan international, à artiste qui met au défi son public et son propre peuple.

On reparcourt les montagnes russes émotionnelles vécues par Shuster-Eliassi depuis son enfance, dans le village idyllique de Neve Shalom/Wahat as-Salam, dans la vallée de Latroun. Née d’un père juif roumain et d’une mère juive iranienne, elle a été élevée dans une communauté où Arabes et Israéliens cohabitaient paisiblement, et acceptaient leurs cultures respectives. "Nous avons grandi de manière à devenir la chose qu'Israël déteste le plus : des gauchistes woke et progressistes qui croient en cette idée radicale selon laquelle les Israéliens et les Palestiniens méritent de bénéficier des mêmes droits humains", plaisante-t-elle.

Après un début léger et plein d’espoir, riche en jeux de mots mémorables (à un festival comique, elle accueille un groupe de spectateurs palestiniens en disant : "Je n'en ai que pour sept minutes, pas 70 ans, promis"), le film bifurque vers quelque chose de plus sombre, en se concentrant particulièrement sur les événements qui se sont déployés à partir du début de 2020.

Après avoir contracté le Covid, Shuster-Eliassi se retrouve en quarantaine dans un hôtel de Jérusalem et passe du temps avec 200 personnes de tous les chemins de la vie, soudain forcées de vivre ensemble. Dans une certaine mesure, elle revit alors l'expérience utopique connue dans son village natal. À mesure que ses apparitions en direct à la télévision deviennent de plus en plus fréquentes, en 2022, elle devient virale dans les médias arabes après avoir chanté sa chanson "Dubaï Dubaï" dans un arabe parfait, dans l’émission Shu Esmo. La chanson satirise en particulier les accords d’Abraham et la normalisation par les Émirats arabes de leurs relations avec Israël, entre autres sujets.

Au second plan, Fares documente le fait que Shuster-Eliassi se montre de plus en plus préoccupée par plusieurs événements micro- et macro-historiques qui surviennent, notamment l'incendie volontaire de l'École pour la Paix où elle a étudié enfant, l’expulsion d’une famille palestinienne par un colon juif, les choix de plus en plus dangereux de Benjamin Netanyahou, les protestations de masse contre son gouvernement, la tragédie du 7 octobre, la mort de la militante pour la paix Vivian Silver, amie de sa famille, le changement de position politique de sa propre famille, la guerre qui continue de s’envenimer.

Sur le plan dramaturgique, c'est à la fin du film que notre personnage est le plus abattue. On quitte la salle sur l'image d'une Shuster-Eliassi qui reconnaît, peinée : "La paix israélo-palestinienne était, au mieux, une industrie de la promesse réconfortante plutôt qu’une réalité vécue. Après avoir défendu publiquement la coexistence, j’ai dit 'Assez !'. Nous avons oublié l’éléphant dans la pièce, qui était auparavant l’occupation. Maintenant, c’est le génocide".

Dans l’ensemble, ce film très actuel de Fares promet, par son approche profondément intime et sincère, d’être un des titres à ne pas manquer du début de la saison des festivals cette année.

Coexistence, My Ass! est une coproduction entre les États-Unis et la France pilotée par Little Big Story.

(Traduit de l'anglais)

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