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MONS 2025

Critique : Marmaille

par 

- Avec ce premier long métrage entièrement tourné en créole à la Réunion, Grégory Lucilly dresse l’émouvant portrait d’une fratrie qui lutte pour se reconstruire malgré l’abandon

Critique : Marmaille
Maxime Calicharane et Brillana Domitille Clain dans Marmaille

Marmaille, premier long métrage de Grégory Lucilly, était projeté au Love International Film Festival de Mons, où il prenait part à la Compétition du 40e, dont il a reçu le Prix Coup de coeur du jury. Thomas (Maxime Calicharane) et Audrey (Brillana Domitille Clain), 15 et 16 ans, sont brutalement rejetés par leur mère, qui les expulse sans ménagement de son logement, peu préoccupée par leur avenir. Désormais à la rue, ils sont sous la responsabilité des services sociaux, qui faute d’avoir des directives précises envisagent de les placer dans des foyers. C’est évidemment une double violence pour les adolescents, arrachés à leur foyer, et isolés de leur famille. Alors quand Audrey explique qu’elle a croisé quelques fois leur père, de retour sur l’île depuis quelques mois, une décision s’impose : ils vont devoir renouer avec ce géniteur dont ils ne savent rien, et qui se trouve avoir refait sa vie, et refait famille loin d’eux. Audrey et Thomas partagent un destin commun, mais chacun trace son chemin pour trouver sa voie.

Thomas est passionné de breakdance, et particulièrement talentueux. Le film commence d’ailleurs sur la piste de break, emporté par les corps mouvants. Thomas vient de remporter un concours, promesse de beaux lendemains, loin de l’île surement. Alors que sa vie part à vau-l’eau, il s’accroche à son rêve, avec la complicité des institutions. La danse est un langage pour dire sa révolte, extérioriser la violence, imposer son existence à une société qui ne lui a pas fait de place jusque-là. Elle est aussi le sujet de quelques scènes saisissantes, où les mouvements du corps en disent plus que n’importe quels mots, grâce au talent éclatant de Maxime Calicharane, vrai danseur avant le film, vrai acteur après.

Audrey, très justement interprétée par Brillana Domitille Clain, jeune mère au visage enfantin, porte seule sur ses frêles épaules le poids de sa parentalité précoce. Le père forcément immature oscille entre l’absentéisme et l’opportunisme soudain quand la jeune femme se voit attribuer un logement. Privée d’un modèle familial opérant, Audrey ne peut que reproduire des schémas aussi éculés que déficients, pour en expérimenter l’échec. La marmaille en créole, ce sont les enfants, ceux qui surgissent au détour de la vie d’adultes dépassés, ceux qu’on sacrifie à son fragile équilibre. La marmaille, c’est aussi le destin des filles, cette fatalité à laquelle Audrey s’efforce de résister.

Sans sombrer dans le pathos, le film ne tait rien du monde hostile dans lequel surnagent Thomas et Audrey. C’est un portrait réaliste, à hauteur d’humain, qui n’exotise pas l’île paradisiaque, qui en montre les aspects sombres tout en les universalisant, et qui s’autorise aussi, parfois, à en voir les traits de lumière.

Marmaille est produit par Ciné Nominé, et coproduit par Wrap Productions et Le Bureau Films (France). Les ventes internationales sont gérées par The Bureau Sales et la distribution France, où le film est sorti en décembre dernier, par Pan Distribution.

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