SÉRIES MANIA 2025 Séries Mania Forum
L’Observatoire Européen de l’Audiovisuel explore les tendances clés du paysage européen de l’audiovisuel
par Fabien Lemercier
- Baisse de la production des contenus européens et ralentissement de la croissance des investissements : des tendances sources de tensions dévoilées par l’organisation

La publication par l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel de son rapport annuel Tendances clés 2025 du panorama paneuropéen de la télévision, du cinéma, de la vidéo et des services audiovisuels à la demande (téléchargeable ici) a offert un très instructif éclairage à l’occasion d’un débat organisé à Séries Mania Forum, le volet professionnel du Festival Séries Mania.
En effet, le contexte global de l’univers audiovisuel se révèle désormais particulièrement âpre avec une lutte intense pour les ressources publicitaires, un marché de la SVOD arrivé à maturité (avec ses nouveaux modèles financés par la publicité) qui est cependant quasiment le seul à ne pas stagner, des diffuseurs TV traditionnels à la peine (même s’ils étoffent progressivement leurs offres de services à la demande), un segment de la télévision payante qui se maintient à flot (en distribuant souvent les services de SVOD à des prix réduits) mais qui est sous la menace d’un reflux semblable à celui constaté aux États-Unis (20 millions d'abonnés en moins depuis 2014), et la redouble concurrence des plateformes de partage de vidéos (qui ont capté 24% du marché publicitaire en 2023 et qui montent en gamme en termes de budgets de production).
Quid des séries dans ce panorama complexe ? Sont-elles vraiment une planche de salut ? Après un bref retour post-pandémique à la croissance, la production et la diffusion de fictions télévisées originales en Europe a décliné avec une baisse de 6% du nombre de titres de fiction produits en 2023, une réduction similaire du nombre d'épisodes et une stagnation du volume d'heures. En moyenne, plus de 1200 titres, 23 000 épisodes et 14 000 heures de fiction TV sont produits en Europe chaque année. Sans doute pour faire face aux coûts de production et à l'inflation, les séries comptent maintenant moins d'épisodes, des épisodes plus courts et beaucoup sont des mini-séries destinées à ne durer qu'une saison. Globalement cependant, les feuilletons quotidiens et les telenovelas restent encore dominants avec l'Allemagne, la Pologne et la Grèce comme leaders de la production dans ce domaine. Au total, plus de la moitié des titres de fiction produits en Europe en 2023 ont été commandés par des diffuseurs publics (55%), suivis par les diffuseurs privés (31%) et les streamers (14%).
La croissance des investissements dans les contenus originaux européens s’est ralentie avec seulement +8% en 2023 après une hausse à deux chiffres en 2021 et 2022. Dans le détail, les dépenses des diffuseurs traditionnels sont restées stables en 2023, tandis que celles des streamers (qui représentent 26 % du total) ont augmenté de 34 % (à comparer néanmoins au doublement de leurs investissements l’année précédente). Une tendance à la hausse encore vigoureuse qui peut sembler étonnante puisque le discours ambiant insiste sur le fait que les streamers cherchent à mieux contrôler leurs dépenses de programmation. Mais elle s’explique car certains streamers n'ont commencé que récemment à investir dans le contenu original européen (Disney+, Apple TV+, Paramount+, Max) et parce qu’ils ont tous des obligations d’investissements grâce à la directive SMA (dont la défense est donc cruciale). D’autre part, l'Europe représente aussi un potentiel de croissance pour les streamers car certaines œuvres européennes connaissent un succès mondial et les productions européennes sont moins chères à fabriquer. Au total, l’Europe pèse maintenant 20 % des dépenses globales de contenu des streamers contre 13 % en 2021.
En 2023, le Royaume-Uni (29 %) et l'Allemagne (20 %) ont capté près de 50 % des investissements des diffuseurs et des streamers dans le contenu original européen, devant la France (14 %), l'Espagne (9 %) et l'Italie (7 %). Toutefois, le tableau est différent si l'on prend en compte uniquement les dépenses des streamers qui sont allées majoritairement vers le Royaume-Uni (35 %) et l'Espagne (18 %), loin devant la France, l'Allemagne et l'Italie (11 % chacune).
À signaler aussi, parmi la myriade de données dignes d’attention inclues dans le rapport, que 31 000 créateurs ont écrit et/ou réalisé au moins un film de cinéma ou une fiction TV/SVOD entre 2015 et 2022, mais que seulement 11 % d'entre eux sont actifs à la fois dans les deux domaines. Une spécialisation qui confirme la migration des créateurs vers les séries, avec cependant un bémol : le boom de la production s’est en effet accompagné de précarité et de concurrence accrues car l’augmentation du nombre de talents créatifs dans le monde de la série est plus rapide que celle des commandes, alors que la situation est plus stable sur ce plan du côté cinéma.
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