Critique : Beyond Rock Bottom
par Vittoria Scarpa
- Dans son documentaire, Ádám Miklós explore avec sensibilité le parcours de deux jeunes qui se battent contre leur toxicomanie en usant de l'escalade en montagne comme instrument thérapeutique

Des documentaires sur la toxicomanie, les traumatismes qui sont derrière et les tentatives d’en sortir sont légion ces dernières années, au cinéma et à la télévision. Pourtant, le Hongrois Ádám Miklós parvient à proposer, dans le documentaire Beyond Rock Bottom, une perspective inédite sur ce sujet ultra sensible, qui amène habituellement à fouiller l'intimité des personnes et à les mettre à nu devant la caméra. Le réalisateur, également scénariste, directeur de la photographie et monteur du film, s'intéresse ici à une méthode de désintoxication pratiquée dans un centre de Budapest, le Megálló, une structure gérée par d'anciens toxicomanes qui a trouvé un biais innovant pour surmonter la dépendance : l’escalade en montagne. Accroché à des parois rocheuses, à des dizaines de mètres du sol, le combat pour sortir de la drogue, avec tous les efforts que cela suppose et le danger constant de retomber, prend une forme plus concrète et tangible que jamais.
Beyond Rock Bottom, qui a fait sa première mondiale au dernier Festival de Varsovie (où il a obtenu une mention spéciale dans le cadre de la compétition documentaire) et projeté ces derniers jours en compétition au 9e Riviera International Film Festival, à Sestri Levante, se concentre sur deux jeunes pensionnaires du centre : la lycéenne Boróka et Szilveszter, 28 ans, en les suivant sur un an et en comptant avec eux le nombre de jours qui les séparent de leur dernière dose. On est surpris par la normalité de ces jeunes gens : ils ont des visages frais, une maison, des rêves. Et pourtant, Boróka a grandi dans une famille dysfonctionnelle et elle s’est shootée à l’ecstasy tous les jours pendant neuf mois, jusqu’à en perdre ses sens. Szilveszter, de son côté, a commencé à se droguer parce qu’il était en conflit avec son père du fait de son homosexualité, et à présent, il veut se désintoxiquer "pour ne pas mourir".
Ça peut sembler banal à dire, mais c’est précisément l’attachement à la vie et l’envie d'en apprécier pleinement les odeurs, les saveurs et les émotions ("J’ai l’impression d’arrêter d’exister quand je me drogue. Il y a un monde à l’extérieur, mais à l’intérieur, le néant", dit Boróka) qui ressort avec force de ce récit sur de jeunes vies déviées par l’abus de substances, souvent à l’insu des parents et amis, mais déterminées à se remettre en piste, non sans d'énormes difficultés. S'accepter soi-même, c’est comme escalader une montagne. Les scènes les plus émouvantes sont justement celles où les jeunes protagonistes luttent de toutes leurs forces pour arriver jusqu’au sommet. On tremble ("je n’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie", confesse Szilveszter), on s’arrête, on tombe, on pleure, et puis on recommence. Quand on pratique l'escalade, nous est-il expliqué, les symptômes du sevrage disparaissent. L’important, c’est de ne pas abandonner, jamais. Et le spectateur ne peut que se sentir solidaire de Boróka et Szilveszter, et de tous ceux qui se relèvent.
Beyond Rock Bottom a été produit par Arrabona Studio, société co-fondée par Ádám Miklós lui-même, ainsi que FocusFox Studio. Le film a été réalisé avec le soutien de l'Incubator Program de l'Institut national du cinéma, qui en pilote aussi les ventes internationales.
(Traduit de l'italien)
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