CANNES 2025 Quinzaine des Cinéastes
Critique : Enzo
par Fabien Lemercier
- CANNES 2025 : En réalisant le dernier film du regretté Laurent Cantet, Robin Campillo tisse une œuvre subtile sur un adolescent en quête de sa place dans le monde

"Tout le monde fait la fête comme si tout allait bien. Je ne suis pas comme vous." Comme chacun le sait, l’adolescence est une période tumultueuse. À 16 ans, Enzo [+lire aussi :
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C’est donc une histoire en apparence très simple dans laquelle plonge le film sous le soleil de juin dans le Sud de la France. Les cigales chantent, les piscines sont accueillantes, la vie semble douce. Mais pour Enzo (la révélation Eloy Pohu) qui fait le grand écart entre une bienveillante famille bourgeoise et la rudesse du travail sur un chantier où l’a amené son refus du système scolaire traditionnel, rien n’est limpide. Et ce sont ces nuances très subtiles que le cinéaste français explore à merveille en ayant accepté de mettre en scène (avec ses qualités propres) en un très bel hommage et en témoignage d’amitié, le dernier film du regretté Laurent Cantet, dont il a accompagné quasiment toute la carrière comme co-scénariste et monteur (notamment de la Palme d’or 2008 Entre les murs [+lire aussi :
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"Un enfant de 16 ans qui se noie sous nos yeux et on le laisse faire !" Le père enseignant (l’Italien Pierfrancesco Favino) d’Enzo vit très péniblement le choix de son fils de tourner le dos à des études classiques ("je n’ai pas envie d’apprendre, j’ai envie de travailler, je ne retournerai jamais à l’école") et à des perspectives d’avenir plus conformes à son milieu son social, alors que la mère ingénieure (Élodie Bouchez) tente davantage d’arrondir les angles. L’adolescent quant à lui, sympathise, sur son chantier de maçonnerie, avec Vlad (Maksym Slivinskyi), un ouvrier ukrainien de 25 ans venu gagner de l’argent en France, mais se posant des questions par rapport à sa relation avec son pays en guerre. Un rapprochement précipitant les événements pour Enzo qui ne cache rien et qui veut faire ses propres choix, mais qui en réalité (et c’est normal à son âge) "ne sait pas trop où il habite"…
D’une grande finesse narrative (un scénario signé Laurent Cantet, Robin Campillo et Gilles Marchand), Enzo offre à ses quatre très bons interprètes principaux un riche terrain de jeu en délicatesse dans l’écrin d’une mise en scène élégante et organique. Par petites touches, le film construit son intrigue à la lisière maîtrisée du réalisme social et du mélodrame existentialiste et familial dans une ambiance solaire et avec une simplicité humaniste concentrée rendant honneur au cinéaste de grand talent empreint de modestie et de bonté qu’était Laurent Cantet.
Enzo a été produit par Les Films de Pierre et coproduit par France 3 Cinéma, Page 114, Ami Paris, les sociétés belges Les Films du Fleuve, Be TV et RTBF, et la société italienne Lucky Red. mk2 Films pilote les ventes internationales.
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