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CANNES 2025 Semaine de la Critique

Critique : Un fantôme utile

par 

- CANNES 2025 : Ratchapoom Boonbunchachoke révèle son talent exceptionnel avec un premier long plus qu’original, drôle, subtil, inventif et intelligent

Critique : Un fantôme utile
Apasiri Nitibhon dans Un fantôme utile

"Il y a deux raisons pour lesquelles un mort revient : parce qu’il se souvient ou parce qu’il a été oublié". C’est dans la veine du cinéma fantastique quasi burlesque que Ratchapoom Boonbunchachoke a décidé de creuser le sillon de son premier long métrage, A Useful Ghost [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, attraction majeure de la compétition de la 64e Semaine de la Critique du 78e Festival de Cannes. Mais le cinéaste thaïlandais ne s’est pas contenté de signer un film réjouissant d’audace totalement maîtrisée dont il a aussi écrit le scénario (très sophistiqué) centré sur des esprits défunts reprenant vie à travers les appareils électriques, notamment ménagers. En effet, sous la patine loufoque du propos, il se livre également à une satire politique et sociétale féroce qu’il a l’excellent goût d’emballer dans une enveloppe visuelle de premier ordre.

"Les morts ne devraient pas semer la pagaille chez les vivants. Tu devrais rejoindre ta vie suivante". Pour Suman (Apasiri Nitibhon), l’apparition régulière du fantôme rancunier d’un ouvrier décédé dans l’usine familiale qu’elle dirige est une véritable catastrophe économique car sa licence est révoquée et l’établissement doit fermer. Pire encore, le phénomène s’infiltre aussi dans sa vie privée puisque Nat (Davika Hoorne), la femme morte de son fils March (Witsarut Himmarat) se met également à se manifester, pour consoler son époux éploré, sous la forme d’un aspirateur se mouvant sans électricité et ayant le don de parler.

Toute cette histoire en apparence délirante mais prise très au sérieux par tous les protagonistes (ce qui renforce l’effet ultra cocasse de l’ensemble), nous est narré par l’étrange réparateur Krong (Wanlop Rungkumjud), venu dépanner avec une célérité magique un jeune homme (Wisarut Homhuan) ayant fait l’acquisition d’un aspirateur défaillant plus que bizarrement. Que se passe-t-il ? Que faire ? Gentils ou mauvais fantômes peuvent-ils cohabiter avec les humains ? Et quid des rêves des vivants à travers lesquels les morts se raccrochent à leur ancienne existence terrestre ?

"Prends le temps de réfléchir". Extrêmement drôle et d’une originalité folle, A Useful Ghost aborde en sous-main et sous le vernis de son humour décapant une multitude de sujets philosophiques et symboliques sur l’amour, la famille, le deuil, la dépression, l’égoïsme individuel au détriment d’autrui, la différence, etc. Et "toutes ces plaisanteries étaient juste un avant-goût du but principal de cette rencontre" puisque dans sa dernière ligne droite, le film devient clairement politique, évoquant l’instauration d’une société orwellienne de surveillance et de répression (électrochocs à l’appui) avec également des références aux massacres des opposants par les forces étatiques à l’université de Thammasat en 1976 et lors des manifestations de 2010.  Un cocktail donc d’une richesse extraordinaire qui est aussi très brillant visuellement avec une large palette artistique (fondus enchaînés, ouvertures et fermetures à l’iris, grande variété de cadrages, effets spéciaux, etc.). Bref, c’est à l’évidence un talent exceptionnel qui a fait ses premiers pas sur la Croisette.

A Useful Ghost a été produit par la société thaïlandaise 185 Films et coproduit par Haut Les Mains Productions (France), Momo Film (Singapour) et Mayana Films (Allemagne). Best Friend Forever pilote les ventes internationales.

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