Critique : Dalloway
par Marta Bałaga
- CANNES 2025 : Le thriller de Yann Gozlan autour de l’IA vient peut-être de saborder le concept même de résidence d’artiste

Mais vous croyez vraiment que l’intelligence artificielle ne remplacera pas les gens, parce qu'ils ont des émotions, de la créativité et une "sensibilité" ? Faites-vous une raison, bande de losers, nous dit Yann Gozlan dans le thriller Dalloway [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], un titre qui, malgré sa prémisse sinistre, est en fait très amusant à regarder. C’est un film de genre, qui a été présenté parmi les Séances de minuit de Cannes, mais avec un budget plus conséquent et des intérieurs classieux, plus une prestation formidable de la part de Cécile de France qui le sauve quand de temps en temps, il se laisse aller à être un peu idiot. Elle joue son personnage comme si sa vie en dépendait, vêtue de vêtements d'intérieur discrets qui font l'effet de n'être jamais complètement confortables. Elle se bat contre des démons et des voix qui pourraient bien être dans sa tête, à moins qu'ils ne contrôlent son appartement impeccable. Les acteurs ne reçoivent généralement pas assez de louanges pour leur travail quand ils font des films qui flirtent avec le bizarroïde. En l'espèce, ce long-métrage est un one-woman-show.
La femme en question est Clarissa, une auteure de romans pour jeunes adultes qui souffre d'une panne totale d’inspiration (mais n'est-ce pas toujours le cas au cinéma ?). Cela fait un moment qu’elle n’écrit plus, des années à vrai dire, mais la voilà qui s’inscrit à une prestigieuse résidence d'écrivains pour se consacrer pleinement à un livre sur les derniers moments de Virginia Woolf. Au début, on ne comprend pas vraiment pourquoi, mais son jovial assistant virtuel Dalloway finit par lui tirer les vers du nez : le fils de Clarissa s'est suicidé, et il y a des aspects de ses derniers moments qu’elle n’a jamais osé revisiter.
Dalloway, mi-dramatique pour le sujet du deuil, mi-satirique par rapport au fait qu'on continue à s'acharner à développer l’intelligence artificielle alors que tout le monde voit déjà clairement que ça ne peut que mal finir, survit aux changements de ton qui s'y opèrent grâce à sa retenue. Clarissa ne quitte presque jamais son appartement, et après elle ne peut plus, mais de toute façon, elle n'a nulle part où aller. Les caméras la traquent partout, il y a quelque chose de bizarre dans l’eau et la paranoïa s'amplifie. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, les personnages secondaires ne sont là que pour la manipuler ou confirmer ses soupçons – seul Lars Mikkelsen a au moins l'occasion de voler du vin.
Malgré son aspect bien reluisant (et la participation de Mylène Farmer, qui prête sa voix à Dalloway avec autant de séduction que Scarlett Johansson dans Her), le film est extrêmement sombre. Même quand les choses vont encore assez bien, Gozlan suggère rapidement qu'une maison connectée moderne est juste trop moderne pour le bien-être des gens. Bien sûr, elle gère les courses à faire et joue de jolis morceaux d'Arvo Pärt, mais tous les jours, ça va un peu plus loin. D’abord, la machine est passive-agressive sur le faite que Clarissa a manqué son cours de yoga, et puis elle sort de ses gonds et tente de la griller vivante. D’une certaine manière, on a affaire ici à une relation toxique et l'idée de contrôle, mais il ne s'agit pas d'un partenaire jadis aimant qui se met à franchir des limites invisibles : c’est la technologie.
Après, personne ici n’est innocent. Les enfants (et les artistes) demandent continuellement de l'argent, les philanthropes ont des intentions cachées et les habiles entrepreneurs rêvent d’un monde "où il n'y aurait plus d'artistes, avec leur tendance à vouloir fouiller l'âme". Clarissa veulent revenir au sommet,
elle veut un autre genre de respect comme écrivaine. À partir du moment où elle se met à creuser l'abîme de son enfer personnel, est-ce vraiment la faute de la machine, ou est-ce qu'elle cherche juste un responsable qui ne serait elle ? Difficile à dire. Mais en même temps, "ne partagez pas votre vie personnelle avec l’intelligence artificielle".
Dalloway a été produit par Gaumont et Mandarin & Compagnie (France), Panache Productions, La Compagnie Cinema et Anga Productions (Belgique). Les ventes internationales du film sont assurées par Gaumont.
(Traduit de l'anglais)
Galerie de photo 15/05/2025 : Cannes 2025 - Dalloway
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© 2025 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it
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