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CANNES 2025 Un Certain Regard

Critique : My Father's Shadow

par 

- CANNES 2025 : Akinola Davies Jr. impressionne avec ce récit, sur deux frères qui retrouvent le père qu'ils n'avaient pas vu depuis longtemps, au Lagos, avec pour toile de fond les élections de 1993

Critique : My Father's Shadow
Ṣọpẹ́ Dìrísù, Chibuike Marvelous Egbo et Godwin Egbo dans My Father's Shadow

Le Nigeria est un des pays d'Afrique de l’Ouest les plus développés. Avec ses 20 millions d’habitants, sa plus grande ville, Lagos, qualifiée de "mégaville", surpasse Londres ou New York. Et pourtant, bizarrement, la richesse et l'avancement industriel du pays n’ont pas vraiment donné lieu à des incursions sur le marché du cinéma international, son industrie du film locale, "Nollywood", occupant toute la place. My Father’s Shadow [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Akinola Davies Jr.
fiche film
]
d'Akinola Davies Jr., un des premiers longs-métrages nigérians à être sélectionnés au Festival de Cannes, représente un premier pas prometteur dans une direction nouvelle pour le pays. Le film, qui revient sur les élections présidentielles nigérianes de 1993 (un moment capital dans l'histoire du pays, chargé d'espoir de voir enfin un changement vers plus de démocratie) et brosse un tableau poétique de Lagos et ses environs, a fait sa première mondiale hier dans la section Un Certain Regard.

Un film réalisé de main moins sûre, plus générique que My Father’s Shadow ferait s'enchevêtrer le personnel et le politique. Le scénario de Davies Jr. (auquel a grandement contribué son frère Wale) file les deux approches en parallèle et ne les fait s'effleurer que quand c’est nécessaire. C’est une odyssée d'une journée : deux frères préadolescents, Olaremi (Chibuike Marvelous Egbo) et Akinola (Godwin Egbo) se préparent à passer une journée dehors avec leur père, Fola (pour Folarin, interprété par l'acteur britannique encensé Ṣọpẹ́ Dìrísù), ce qui n'arrive pas souvent. Ils vont l'accompagner pendant son travail dans différents endroits de cette ville immense, et des moments d'exploration et de détente sont aussi prévus. Le plan coïncide intentionnellement avec l’annonce des résultats des présidentielles de 1993. L'optimisme est de mise, mais certaines craintes planent (corruption, fraude électorale).

Les premières minutes du film présentent un montage dynamique d'images trouvées qui nous permet d’en savoir un peu plus sur le contexte politique complexe. Par rapport aux films de festival en général, et aux films de la région qui vont dans les festivals, la manière dont Davies Jr. (qui a derrière lui une belle carrière dans le secteur de la création britannique) envisage l'espace et dépeint l'action a une musculature et une envergure particulières. Au cœur d’une ville qui se modernise rapidement, il trouve des vieux rades et des petites ruelles où l'on se croirait encore en 1993. Il opte par ailleurs pour une palette de couleurs plus désaturée que celle dont auraient probablement usé un grand nombre de photographes et de chefs opérateurs, de son pays ou d'ailleurs, et il évite aussi les musiques afro habituelles, anciennes et nouvelles, en recourant à une bande originale de Duval Timothy et CJ Mirra proche du "post-rock" entraînant de Godspeed You! Black Emperor.

On regrette que la concision du film, sa subtilité, même, soient parfois limitantes. La réalité de la vie de Fola est profondément liée à ses aspirations par rapport aux élections, car il soutient le candidat du parti social-démocrate, M. K. O. Abiola, dont il espère que les nouvelles politiques économiques vont l'aider en tant que chômeur régulier (et ce n'est bien sûr pas faute d’essayer, comme on le voit dans un épisode formidable du film, qui se passe à l'agence qui lui fournit parfois des emplois ponctuels d'ouvrier qualifié). Peu à peu, on en vient à présumer qu’il était présent, quelques nuits plus tôt, à un massacre survenu à la base militaire Bonny Camp, non loin (un événement inventé, à en croire les recherches de l'auteur de ces lignes). Après un superbe interlude, vers la fin du film, où on voit Fola regarder les résultats décourageants du vote avec ses camarades, dans un bar à l'atmosphère épaisse (où, fort heureusement, les deux garçons se sentent les bienvenus), la ville bascule dans l'émeute, ce qui nous offre de nouveau un rappel historique.

Comme on l'a dit, My Father’s Shadow est un film accompli qui montre bien que les frères Davies (dont les deux garçons du film sont le miroir autobiographique) ont vraiment du talent, même si le film ne trouve pas toujours le juste équilibre entre le personnel et le politique (bien qu’il sache que ces choses ne sont pas interchangeables).

My Father’s Shadow a réuni les efforts du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Nigeria. La production a été pilotée par Element Pictures, en association avec Crybaby et Fatherland Productions. Les ventes internationales du film sont gérées par The Match Factory.

(Traduit de l'anglais)


Galerie de photo 18/05/2025 : Cannes 2025 - My Father's Shadow

11 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

Akinola Davies Jr., Rachel Dargavel, Wale Davies, Sope Dirisu, Funmbi Ogunbanwo
© 2025 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it

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