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CANNES 2025 Un Certain Regard

Critique : Urchin

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- CANNES 2025 : Harris Dickinson se lance dans le cinéma avec un tableau frappant de l'addiction qui combine comédie légère et profondeur émotionnelle

Critique : Urchin
Frank Dillane dans Urchin

Il y a quelque chose d’intéressant dans les films qui partent d'une prémisse simple et font malgré cela l’effet d'offrir plusieurs niveaux de lecture et d’avoir été très intelligemment construits. Il y a aussi quelque chose de remarquable dans les films qui semblent installer une trame classique autour de leurs personnages, puis empruntent quelques bifurcations qui remettent en question la perception qu'on a de ces derniers et la direction qu'on imaginait que l’histoire allait prendre. Dans ces moments-là, prendre un peu de retrait en tant que spectateur et laisser le film se déployer comme il l'entend peut révéler la valeur d'une réception empirique de l'histoire, sans se sentir le besoin de la contrôler ou de la prédire. Urchin [+lire aussi :
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est ces deux choses à la fois.

Dans ce premier long-métrage de In Harris Dickinson, qui a été projeté à Cannes dans la section Un Certain Regard, Frank Dillane joue le rôle de Mike, un personnage imprévisible dont le passé reste globalement une inconnue et dont le futur est incertain, car il va traverser pendant tout le film des hauts et des bas, et changer d'attitude par rapport à la vie à mesure que les événements se déploient. Au début, on le voit sans-abri qui essaie en vain de faire la manche à Central London jusqu’à ce qu’un homme se décide enfin à l’aider, et ne s'en fasse que mieux dépouiller par Mike dans l'instant qui suit. À partir de là, Mike va faire de son mieux pour échapper à l’addiction à la drogue et à l’alcoolisme en travaillant et en ayant une vie sociale, mais l'échelle qui mène à la rédemption est dure à gravir.

Avec son allure dépenaillée et ébouriffée, et sa ressemblance étonnante avec un jeune Johnny Depp, Mike capte l’attention du spectateur dès le début, et la garde tout au long du film. Dans une scène, on dirait qu'il invoque le Travis Bickle de Taxi Driver, à cogner dans le vent en parlant à un interlocuteur imaginaire. Ce genre de passage rattache Mike à d’autres personnages iconiques, ou de manière plus générale Urchin à d'autres films du même type. Certaines de ses séquences les plus stylisées (comme celle du monde souterrain, ou le final lui-même) évoquent certaines scènes parmi les plus audacieuses visuellement de grands films britanniques comme Trainspotting et Under the Skin [+lire aussi :
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. On a aussi du mal à ne pas penser à toute l’œuvre de Ken Loach, bien que'Urchin adopte incontestablement un ton nettement plus pop.

Tous les personnages secondaires tournent autour de Mike, ce "soleil" défoncé qui n'arrive à se concentrer très longtemps sur aucun d'entre eux, même quand l’amour semble être enfin à la portée de sa main. Si toute l’attention est sur Dillane, et c’est très bien comme ça, Harris Dickinson lui-même apparaît à l’écran dans le rôle de Nathan, un personnage marginal qui semble être le seul lien avec la vie de Mike avant la succession de scènes qu'on voit dans le film. D'ailleurs le héros, résolu à garder le cap, choisi d'ignorer Nathan quand il le croise un jour, par hasard, comme s'il essayait de maintenir ses vieilles habitudes à distance.

Il y a une combinaison d’éléments qui font d'Urchin un travail intéressant et un premier long-métrage incroyablement bien fait, deux d'entre eux étant son formidable design sonore et sa bande originale parfaitement sélectionnée, qui rehaussent l'image et font parfaitement corps avec le montage, mais la plus grande force du film est son refus de juger : il ne décrit pas son personnage principal comme quelqu’un qui mériterait notre empathie juste parce qu’il traverse de rudes épreuves, ni ne le condamne sommairement pour ses actions condamnables. Il faut souligner aussi que le scénario comprend plusieurs moments de comédie et de légèreté qui parviennent à merveille à créer un équilibre entre l'humour pur et un ton mélodramatique qui aurait aisément pu devenir dominant avec une intrigue de ce type, dans des mains moins habiles que celles de Dickinson.

Urchin a été produit outre-Manche par Somesuch, Devisio Pictures, BBC Films, le BFI et Tricky Knot. Les ventes internationales du film ont été confiées à Charades.

(Traduit de l'anglais)

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