CANNES 2025 Semaine de la Critique
Critique : Ciudad sin sueño
par David Katz
- CANNES 2025 : Guillermo Galoe propose un spécimen vibrant de réalisme social où un adolescent rom des bidonvilles de Madrid a du mal à sortir de cet univers

Ciudad sin sueño [+lire aussi :
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fiche film] est le premier long-métrage de Guillermo Galoe, mais une grande partie de ses ambitions artistiques semblent être le fait de son chef opérateur, Rui Poças, connu pour ses collaborations avec Miguel Gomes et Lucrecia Martel. À travers son objectif, le bidonville madrilène de La Cañada Real paraît aussi beau, vivant et séduisant que dans la perception de son personnage principal, l'adolescent rom Toni (Antonio Fernández Gabarre dans son propre rôle, comme tous les autres interprètes). Poças entre littéralement dans la subjectivité de Toni à travers les images qu'il réalise sur son portable, car le garçon aime photographier la fange et la ruine, très photogéniques, de son quartier, ainsi que son bon copain Bilal (Bilal Sedraoui), d'origine marocaine, avec des filtres artificiels qui donnent au ciel des teintes roses et vertes presque radioactives. Cette distinction visuelle particulière détourne un peu l'attention du récit, conventionnel et prévisible, ainsi que du manque de détails sur le contexte social du lieu, ce qui aiderait vraiment à mieux comprendre les enjeux de ce qui s'y passe. Ciudad sin sueño est un des derniers films à avoir fait sa première cette année à la Semaine de la Critique de Cannes.
Le grand-père de Toni, Chule (Jesús Fernández Silva), fait vivre la famille grâce à ses activités de ferrailleur. Quant au reste de la famille immédiate du garçon, il n’apparaît pas, mais le film sous-entend que c'est dû au trafic de drogue qui fleurit notoirement à La Cañada Real, qui va du reste bientôt passer sous les bulldozers, de sorte que les services sociaux ont la gentillesse d'aider la famille à se relocaliser dans une cité, non loin, dont Poças souligne bien le côté aseptisé et les lumières peu naturelles. Cela va forcément couper court au mode de vie assez libre de Toni, ses proches et toute la communauté rom, ce qui n'est pas forcément facile à accepter, d'autant plus qu'ils ne sont pas déplacés ou carrément mis à la rue. Bien dans le bidonville, l'électricité tende à se faire rare la nuit, et l'eau courante à toutes heures, l'identité du lieu et les gens qui l'habitent sont indissociables.
Le scénario écrit par Galoe et Victor Alonso-Berbel (au terme d'un travail de recherche qui a duré plusieurs années) ne laisse pas beaucoup de place à la vie intérieure de Toni, préférant suivre ses énergiques déambulations dans le quartier, en quête de connexion (avec des humains, mais aussi des animaux). Heureusement, le précieux lévrier du garçon, Atómica, ne devient pas un laborieux symbole de sa perte d'innocence ou sa vulnérabilité. Comme Bilal va aussi quitter La Cañada Real pour rejoindre de la famille à Marseille, il y a quelque chose de touchant dans la quête de Toni pour récupérer son chien, après que Chule l'a vendu à d'anciens associés pour pouvoir financer l'achat d'un nouveau terrain (presque comme lot de consolation pour compenser le départ non souhaité du bidonville) à la campagne tout près de du bidonville.
Comme on l'a dit, les problèmes soulevés dans Ciudad sin sueño ne sont pas nouveaux, et il existe nombre de documentaires similaires plus détaillés, pour être certes moins attachés à la splendeur visuelle. Cependant, le film est également comparable au travail de Carla Simón (qui est de son côté pour la première fois en compétition à Cannes cette année, avec Romería [+lire aussi :
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fiche film]) et le signe que la jeune génération des réalisateurs espagnols est en train d’emmener le cinéma national au-delà d’Almodovar et des reconstitutions historiques sur la guerre civile et la période franquiste. Galoe, comme ses camarades, voit le présent, ce qui est contemporain, et il le voit à 360°, comme l'illustrent deux plans circulaires de Poças à la fin du film.
Ciudad sin sueño est une coproduction entre l’Espagne et la France qui a réuni les efforts de BTeam Prods, Sintagma Films, Buenapinta Media, Encanta Films, Les Valseurs et Tournellovision. Les ventes internationales du film sont gérées par Best Friend Forever.
(Traduit de l'anglais)
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