CANNES 2025 Semaine de la critique
Critique : Imago
par Veronica Orciari
- CANNES 2025 : Le documentaire de Déni Oumar Pitsaev, qui combine une réflexion personnelle avec un petit fond sociopolitique, rend compte de son retour, chargé d'émotion, à ses origines

Imago [+lire aussi :
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fiche film], sélectionné cette année à la Semaine de la critique de Cannes, suit Déni Oumar Pitsaev, 40 ans, qui est ici à la fois le réalisateur et le sujet du film, où il fait son retour dans une vallée géorgienne frontalière avec sa Tchétchénie natale, qu’il a quittée à l’âge de six mois seulement, pour mieux comprendre ses racines et rétablir le contact avec sa famille. Comme Pitsaev ne peut pas rentrer en Tchétchénie à proprement parler, pour des raisons politiques, sa mère lui a acheté, en 2017, un terrain à Pankisi, une enclave religieuse et linguistique principalement peuplée de Tchétchènes qui ont décidé de fuir la guerre et trouvé refuge en Géorgie. Après après avoir vécu au Kazakhstan et en Russie, puis fait des études en Belgique en France (où il réside actuellement), le réalisateur a senti que l'événement de son retour au pays méritait d’être documenté. En intégrant des éléments fictionnels, ou plutôt légèrement manipulés, il en a fait un film.
Son documentaire présente à la fois le contexte politique de l’histoire, qui reste la plupart du temps en arrière-plan, et, surtout, sa perspective personnelle. Les gens à qui parle Pitsaev, qui sont avant tout des membres de sa famille et des amis, fait partie intégrante de son parcours introspectif. Les conversations se portent avant tout sur leurs expériences personnelles et la manière dont celle-ci croisent des dynamiques politiques et sociales plus vastes. Cependant, une des forces d'Imago réside dans sa capacité à maintenir cet équilibre sans recourir à trop de tours de passe-passe et de dialogues superficiels.
Un des thèmes récurrents dans le film est le mariage et, par extension, les enfants. De son cousin éloigné Daoud, médaillé de bronze olympique de judo pour la Géorgie, à sa mère, une grand partie des proches du héros se montrent préoccupés par le fait qu'il n'a pas encore trouvé un endroit où s’installer pour de bon. Cette dynamique va trouver un écho chez les spectateurs qui connaissent la pression que constitue l'injonction de justifier leurs choix de vie personnels à leur famille, surtout quand ces choix ne sont pas faciles à formuler. Le film s'intéresse particulièrement à la relation de Pitsaev avec ses parents, notamment à ses rapports compliqués avec son père. Son ami local, Irakli, semble être le seul qui comprenne vraiment le conflit intérieur de Pitsaev, offrant au film ses moments les plus lourds de sens.
Imago traite de sujets chargés avec pondération, faisant monter l’intensité peu à peu. Ce film est résolument un film à combustion lente, qui atteint son paroxysme émotionnel dans la section finale, celle où la tension de la relation entre Pitsaev et son père remonte à la surface. Le documentaire est parfois inégal (ou plutôt, trop long) et aurait clairement bénéficié de quelques coupes stratégiques. Les monteurs, Dounia Sichov (Retour à Séoul [+lire aussi :
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Ce travail de Pitsaev a certainement beaucoup de choses à dire et des visuels formidables, ce qui plaira et aux spectateurs intéressés par les questions politiques, et à ceux qui apprécient davantage les récits intimes centrés sur la famille. Hélas, le long-métrage est au bout du compte peu engageant pour les autres. C'est un film de festival solide, mais moins abordable pour le grand public.
Imago a été produit par Triptyque Films (France) en coproduction avec Need Productions (Belgique). Les ventes internationales du film sont gérées par Rediance.
(Traduit de l'anglais)
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