Critique : Romería
par Savina Petkova
- CANNES 2025 : La cinéaste lauréate d'un Ours d'or Carla Simón revient avec un nouveau récit très personnel, de facture remarquable, qui captive par sa déceptive simplicité

En sortant de Romería [+lire aussi :
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fiche film], qui vient de faire sa première mondiale dans le cadre de la compétition du Festival de Cannes, on a du mal à croire que la réalisatrice espagnole Carla Simón n'en est qu'à son troisième long-métrage. Après Été 1993 [+lire aussi :
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fiche film] (2017) et Alcarràs [+lire aussi :
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fiche film] (2022), lauréat de l'Ours d'or de Berlin, deux films qui se passaient en Catalogne, voici un film d’encore plus petite échelle qui captive par sa (déceptive) simplicité. Romería, dont le titre renvoie au mot espagnol désignant un pèlerinage religieux, tourne autour de Marina (Llúcia Garcia), 18 ans, un jeune fille orpheline depuis l'enfance qui essaie de reconstruire un passé dont elle n’a jamais fait partie. Le film commence à son arrivée sur la côte atlantique de la Galice, et l'océan nous apparaît tel que le filme sa caméra : dans ces zooms tremblants, même la surface de l’eau semble étinceler d’anticipation.
Bien que le film ne se déploie que sur cinq jours (en juillet 2004), la quête de Marina pour être légalement reconnue comme membre de la famille Piñeiro va la mettre face, à parts égales, à des obstacles et à des révélations considérables. Elle veut étudier le cinéma, dit-elle, et elle a besoin d’une bourse. Quand le grand-père qu’elle vient de retrouver lui offre une enveloppe pleine d’argent pour couvrir les frais de scolarité et s'épargner des démarches auprès de l'état civil, elle n’est pas en colère. Au lieu de ça, Marina réagit calmement, quoiqu’avec un peu de confusion, tout en essayant de gérer les dynamiques de pouvoir qui régissent cette grande famille bourgeoise composée pour elle d'inconnus au sein de laquelle chaque décision de la matriarche fait loi, et où personne ne parle des enfants qui ont mal tourné. Il se trouve justement que le père de Marina, Alfonso, était l'un d'eux, avant de mourir jeune.
Tandis que des mentions apparaissant à l'écran égrènent le nombre des jours passés sur la côte nord-ouest de l'Espagne (à Vigo), Romería tient une sorte de journal intime vidéo : cet emballage métanarratif correspond bien à la manière dont l'histoire est racontée : une voix féminine lit en effet à voix haute de courts passages du journal intime de la mère de Marina, écrit à partir de 1983, un carnet usé qu’on entrevoit par moments en gros plan. Prise en sandwich entre ces deux dispositifs narratifs, l’atmosphère du film enfle de plus en plus, rythmée par la gracieuse interprétation que livre Garcia dans ce rôle d'alter ego, ou de version semi-fictionnalisée de la réalisatrice elle-même. Les extraits de journal intime utilisés dans le film sont réels, de même que l’histoire de cette jeune future cinéaste qui espère se rapprocher de parents qu’elle n’a jamais connus.
Romería est également guidé par l'œil vagabond de la caméra, qui représente la perspective de Marina comme observatrice, depuis une distance de sécurité maintenue (mais non sans jouer de nombreux zooms, au propre comme au figuré) permettant au personnage de tout absorber : la chaleur humaine existant dans cette famille comme les silences chargés. Simón s'est de nouveau associée à la cheffe opératrice Hélène Louvart et ensemble, elles composent le monde intérieur le plus passionnant qui soit, où le mince voile séparant réalité et rêve exaucé n'existe presque pas. La main douce mais précise de la cinéaste façonne chaque séquence, chaque coupe, de manière à créer un espace presque magique où tout est possible. Comme dans tout pèlerinage, l’espoir et le doute marchent ici main dans la main, mais Romería dégage quelque chose de si chaleureux que c'est probablement le film de retour aux origines le plus beau et sincère de l'année.
Romería a été produit par Elastica Films (Espagne), Ventall Cinema (Allemagne) et Dos Soles Media (Espagne). Les ventes internationales du film sont assurées par mk2.
(Traduit de l'anglais)
Galerie de photo 21/05/2025 : Cannes 2025 - Romería
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© 2025 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it
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