FILMS / CRITIQUES Espagne / Mexique
Critique : Ruido
par Alfonso Rivera
- Ingride Santos se lance dans le long-métrage avec un film sur le rap freestyle et dépeint ses quartiers, son machisme et les problèmes d'intégration raciale

Ruido, qui a fait sa première mondiale le mois dernier dans le cadre de la compétition du dernier Festival de Malaga, est le premier long-métrage de la Catalane Ingride Santos, appréciée pour son travail dans la publicité et la production (elle a notamment collaboré avec Elena Trapé et Kike Maíllo, le producteur de ce film) et déjà autrice du court-métrage de fiction Beef, produit par Isabel Coixet et nominé aux Goya en 2020. Cette semaine, son premier long participe à la 51e édition du Festival international du film de Seattle.
Le scénario de Ruido, écrit par Santos avec Lluis Segura, a pour personnage central Lati, une adolescente d'origine africaine qui habite à Barcelone, trouve refuge dans le rap après la mort de son père (qui était musicien) et, deux ans plus tard, rêve de triompher dans le monde des battles de rap freestyle. Cependant, sa mère, rigoureuse et attachée aux traditions, ne tolère pas cette vocation, qu'elle considère dangereuse et vulgaire, de sorte que la jeune fille doit sécher ses cours d'assistante dentaire pour s'entraîner en cachette avec une ancienne promesse du rap qui va l'aider à surmonter ses blocages et lui permettre de découvrir que la bataille ne se livre pas uniquement sur scène, mais aussi en soi.
La caméra, qui s'appuie sur le charisme et la présence magnétique de l'actrice principale, la non professionnelle Latifa Drame (sélectionnée au terme d'un casting long et rigoureux), la suit infatigablement dans son douloureux travail de deuil, de découverte et de combat pour trouver sa vocation, ce qui n'est pas particulièrement original en soi (le cinéma américain a produit une foule de titres sur des histoires de dépassement et d'ascension simliaires, à commencer par Rocky et Karate Kid, pour citer des classiques), mais le film a été réalisé avec un brio, une énergie et une force visuelle qui correspondent bien à l'univers urbain qui y est dépeint.
Ruido est en effet une immersion dans la banlieue de Barcelone, peu photogénique et exempte de touristes, ainsi qu'un plaidoyer féministe qui en appelle à la sororité à travers cette héroïne qui, aidée par ses amies, parvient à affronter le machisme, la grossophobie et le racisme d'un monde de petits coqs bagarreurs.
Ainsi le film, dont la dernière portion se passe dans la capitale mexicaine, devient le portrait fébrile de filles courageuses qui font face à un environnement social résolu à les écarter et faire d'elles les victimes passives d'un système qui n'accepte pas la dissidence et la rébellion. Le tout est agrémenté de musique rap, avec ses paroles incendiaires, une des rares formes d'expression artistique qui n'a toujours pas accepté d'être corsetée par la censure et se déploie, au contraire, dans la liberté de création la plus totale.
Ruido est un titre original Filmin qu'ont produit les sociétés espagnoles Sábado Películas et Playtime Movies en association avec la société mexicaine La Corte. Les ventes internationales du film sont assurées par Film Factory. En Espagne, il est distribué par VerCine.
(Traduit de l'espagnol)
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