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CANNES 2025 Un Certain Regard

Critique : Aicha ne peut plus s'envoler

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- CANNES 2025 : Morad Mostafa compose un premier long-métrage qui correspond à l'esthétique "film de festival", mais dont l'intrigue reste trop en surface, malgré la gravité des sujets abordés

Critique : Aicha ne peut plus s'envoler
Buliana Simon dans Aicha ne peut plus s'envoler

Une transformation radicale couve dans Aisha Can’t Fly Away [+lire aussi :
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de l’Égyptien Morad Mostafa, un premier long-métrage qui suscitait beaucoup d’impatience après avoir reçu une belle série de prix prestigieux jusqu'à sa première mondiale à Cannes, dans la section Un Certain Regard. En effet, à l'état de projet, le film a reçu des prix importants aux Cinemed Meetings, à Venice Final Cut et aux Ateliers de l'Atlas de Marrakech, en plus d'avoir été développé dans le cadre de La Résidence du Festival de Cannes, promotion 2023. À présent, c'est le premier titre égyptien à être sélectionné sur la Croisette dans cette section depuis Clash [+lire aussi :
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de Mohamed Diab, en 2016. Mostafa lui-même n'était pas venu à Cannes depuis 2017 et le court-métrage I Promise You Paradise.

Dans son premier long, Buliana Simon incarne une migrante soudanaise qui vit dans le quartier du Caire appelé Ain Shams, où elle gagne chichement sa vie en travaillant comme aide-soignante à domicile pour les personnes âgées. Elle s'entend bien avec un chef de cuisine du coin, Abdoun (Emad Ghoniem), qui a la générosité de la nourrir, mais les circonstances sont tout simplement horribles. Un des hommes dont elle s’occupe, Monsieur Khalil (Mamdouh Saleh), est exigeant et sexuellement coercitif, et on la force par ailleurs à travailler pour le leader d'un gang, Zuka (le rappeur égyptien Ziad Zaza), en collectant des clefs pour qu'il cambriole facilement le domicile des gens.

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, présenté l’année dernière à l'ACID, Aisha Can’t Fly Away évolue ensuite vers le body horror à travers des séquences de cauchemars. Dans la vraie vie, Aïsha se met aussi à développer une éruption cutanée gênante et invasive, et elle est hantée par l'image d’une autruche, un oiseau dont on sait qu'il ne vole pas, qui renvoie au titre du film. Jour après jour, on voit Aïsha aux prises avec les forces qui l'attachent malgré elle à son nouveau lieu de vie, avec pour seul soulagement les conversations qu'elle a avec d'autres migrants, où ils partagent leurs malheurs, et les moments passés au téléphone avec ses proches restés au Soudan.

Mostafa excelle dans le conventionnel style "film de festival", visuellement impeccable, avec une image confiée à Mostafa El Kashef (le chef opérateur du Village aux portes du paradis [+lire aussi :
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), qui a un penchant pour la caméra tenue à l’épaule pour rendre la précarité de la situation de l'héroïne, sans nous balloter dans nos sièges non plus. Cependant, à la nature propre et très classique de la vision cinématographique de Mostafa nuit un net manque d’investissement narratif, et ce malgré la durée du film, qui dépasse les deux heures sans compter le générique. Aisha Can’t Fly Away, scénarisé par Mostafa et la productrice Sawsan Yusuf avec la participation de Mohamed Abdelqader, ne dépasse pas la limite qui le ferait tomber dans le porno de la misère, mais au bout d'un moment, ce récit qui décrit une terreur personnelle devient trop enflé, sans vraie substance.

Le réalisateur rend avec précision le danger inhérent à la situation de migrant(e), mais au-delà de générer un sentiment de désarroi, il peine à nous convaincre d'avoir de l'empathie. On est engagé à développer un sentiment de dégoût par rapport aux actes très sordides auxquels Aïsha en vient à participer, mais le scénario ne fournissant pas les pièces clefs qui permettraient de mieux cerner le personnage, on ne peut que regarder, horrifié. Ceci étant dit, Mostafa établit clairement ici qu'il sait faire un film visuellement satisfaisant, quitte à ce que ce soit aux dépens de la prise de risques artistique.

Aisha Can’t Fly a été produit par Bonanza Films (Égypte) en coproduction avec Nomadis Images (Tunisie), Shift Studios (Égypte), A.A. Films (Égypte), Cinewaves (Arabie saoudite), MAD Solutions (Égypte), Mayana Films (Allemagne), Coorigines (France), Arabia Pictures (Arabie saoudite) et Station Films (Soudan). Les ventes internationales du film sont gérées par MAD World, filiale de MAD Solutions.

(Traduit de l'anglais)

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