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CANNES 2025 Cannes Première

Critique : Ma frère

par 

- CANNES 2025 : Après Les Pires, couronné par le Prix Un Certain Regard, Romane Guéret et Lise Akoka proposent un film de colo chahuteur

Critique : Ma frère
Fanta Kebe et Shirel Nataf dans Ma frère

Le cinéma français a produit des polars (Melville, Audiard), des films d'horreur (Ducournau) et de la comédie physique (Tati), mais quid de ce qui est dans le cinéma américain un classique : le film de colonie de vacances ? Après Les Pires [+lire aussi :
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une variation sur ce thème, adoptant les figures typiques du genre ainsi que la prévisibilité de ses intrigues, tout en incorporant parfois maladroitement des questions sociales sérieuses. Cependant, dans l’esprit de Linklater, les réalisatrices arrivent tout de même à doter les encadrants et les jeunes d'une certaine profondeur psychologique, et à obtenir des interactions pleines de répartie, très authentiques. Le film a fait sa première mondiale à Cannes dans la section Cannes Première.

Le désir sincère de Guéret et Akoka de fabriquer un film "feelgood" avec de vrais aliments, pas juste du sucre, est tout à fait louable. Les enjeux sont posés dès avant le trajet en bus direction la Drôme, quand on fait la connaissance de nos personnages principaux : Shaï (qui est juive et jouée par Shirel Nataf) et Djeneba (d’origine ouest-africaine, interprétée par Fanta Kebe), deux jeunes monitrices en train de gagner en expérience et en professionnalisme. Elles sont les prismes à travers lesquels on va pouvoir comprendre comment sont les ados français d’aujourd’hui (qu'on nous donne à observer le temps d'une de leurs premières excursions estivales sans leurs parents), mais aussi des personnages auxquels on peut se rapporter en tant qu'adultes, car elles sont en plein dans une phase de stress existentiel sur leur présent et leur futur. Parmi les encadrants plus expérimentés (dont la chanteuse révélée par Nouvelle Star Amel Bent), les deux copines mono se mettent à former une famille de remplacement dont elles avaient bien besoin, car d'un côté, l'odieux frère de Shaï désapprouve le fait qu'elle fréquente un garçon musulman, Ismaël, de l'autre, Djeneba n'a pour garder sa fille, encore bébé, qu'une mère peu fiable et négligente.

On a une décharge de liesse et d'énergie rien qu'à voir à quel point les gamins qu'on leur a confiés sont indépendants et informés, alors qu'ils s’installent dans le camp de vacances, dans une nature idyllique. Tout le monde ici à un parler jeune, les monos comme les vacanciers (manifestement bien au courant des histoires de cigognes, d'abeilles et de choux), qui se lancent des défis comme manger du caca et des chocolats Mon Chéri.

Au-delà des balades en kayak, des sessions de chant (où les jeunes interprètent notamment le classique "Mon enfance" de Barbara) et des quartiers libres qui permettent aux monos se détendre un peu, il y a un interlude pédagogique quand le groupe visite un musée dédié à l'occupation pendant la guerre et à la résistance française, visite qui s'achève sur le témoignage d’un survivant à l'Holocauste. Si le film pose le motif secondaire de l'identité juive dès le premier acte, ce détour soudain sur un terrain sérieux, aussi bien intentionné qu'il puisse être, détonne par rapport au reste.

On accordera aux autrices que ce segment se rattache aux intentions sociales plus générales du film, à savoir célébrer la diversité et le pluriculturalisme de la France d'aujourd'hui, suggérant que peut-être, une fois adulte, la jeune génération arrivera à rédimer la politique actuelle du pays, qui divise. Cependant, si c'est un propos louable, il nuit au réalisme de ce qu’on est en train d'observer, d'autant que dramaturgie est un peu libre et insouciante – contrairement à ce qu'on avait dans Un monde [+lire aussi :
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de Laura Wandel, qui rendait compte des tensions à l'œuvre dans ces espaces sociaux hermétiques. Ceci étant dit, Guéret et Akoka s'inscrivent indéniablement dans l'esprit de cette citation d'André Bazin (qui a une salle à son nom à Cannes, et c'est bien mérité) : "Le cinéma replace notre regard sur un monde plus en harmonie avec nos désirs.

Ma frère a été produit par Superstructure, en coproduction avec France 3 Cinéma, StudioCanal (qui s'occupe aussi des ventes internationales du film) et Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma.

(Traduit de l'anglais)

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