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TRANSYLVANIE 2025

Critique : Llueve sobre Babel

par 

- Le premier long de Gala del Sol est un récit dramatique queer qui ruisselle de couleurs, de néons, de sueur et de désir charnel, et brouille les frontières entre rêve et réalité

Critique : Llueve sobre Babel
Saray Rebelledo dans Llueve sobre Babel

Déjà, dans ses courts-métrages, Gala del Sol faisait preuve d'affinités de plus en plus nettes avec les mondes imaginaires : son tout premier, Sekhem (2016), évoquait le travail artistique d’un sculpteur ; The Sandman (2017) plongeait, littéralement, dans le sommeil et les rêves ; ensuite, celui de ses courts-métrages qui a le plus fait le plus parler de lui, Transient Passengers (2018), proposait un parcours psychologique expérimental à travers les souvenirs d’un employé de bureau obsédé par le temps. Dans le long-métrage Rains Over Babel [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, qui a fait sa première mondiale à Sundance et se retrouve actuellement en lice dans la section compétition internationale du Festival international du film de Transylvanie, la réalisatrice colombienne fait encore plus explicitement le choix du réalisme magique, établi comme une "marque" latino-américaine. Elle décrit son style comme du "punk tropical rétrofuturiste", bien que le punk soit ici plus fait de paillettes que d'éléments sordides et que le futurisme soit encore embryonnaire. Le film, plus proche de la performance que du septième art, se rattache vaguement à L'Enfer de Dante, mais l'intrigue est plus une succession de gimmicks qu'une narration solide. Comme Gala del Sol fait du théâtre depuis l’âge de quatre ans, elle a réuni un groupe de jeunes acteurs qui ont commencé à travailler ensemble juste pour s’amuser, sans penser que cela mènerait un jour à un film. Le résultat est de fait flashy, mais éparpillé, et beaucoup plus fouillis qu’on ne peut raisonnablement le tolérer sur près de deux heures de durée.

Le film, qui se passe dans une version psychédélique de Cali (la ville natale de la réalisatrice) suit une galerie de marginaux qui se réunissent à Babel, un bar glauque qui fait aussi office de purgatoire. Là, ils parient des années de vie dans des jeux à enjeux élevés contre La Flaca (Saray Rebelledo), l’inquiétante incarnation locale de la Mort. Après une ouverture séduisante qui nous présente le narrateur et la femme du barman Boticario, Erato (Sofia Buenaventura), comme la muse de l’histoire qui est sur le point de se déployer, Boticario (Santiago Pineda Prado) lui-même nous guide à travers un labyrinthe de petites intrigues, de personnages et d’astuces de joueurs qu'ils utilisent contre La Flaca. Le héros de cette fable chaotique semble être Dante (Felipe Aguilar Rodriguez), qui doit régler ses affaires avec elle avant la date d’expiration de leur pacte et qui est entouré par une constellation de personnages secondaires : le poète Roma, qui vend des drogues pour joindre les deux bouts, son colocataire Monet, qui se dépêche d'aller rechercher son corps en enfer avant qu’il ne se décompose, un pasteur scandalisé par l'esprit queer qui règne dans la ville, le fils de ce dernier, qui rêve de se marier avec une femme trans tout en préparant un spectacle drag où il fera son coming out, une mère qui essaie de récupérer à tout prix quelques années de vie de plus pour sa fille, avec une salamandre comme coach de vie... pour n'en citer que quelques uns. C’est le bon vieux jeu du marchandage avec la mort, abordé dans des classiques comme Le Septième Sceau d'Ingmar Bergman et All That Jazz de Bob Fosse sauf qu'ici, toute interprétation philosophique possible est entravée par le flot vertigineux des événements, qui n'empêche que le "message" reste plus ou moins le même quoiqu'il puisse se produire.

Le mélange d'action, de comédie dramatique et de fantastique allié à la surabondance de références culturelles (de la mythologie grecque à des citations visuelles littérales des Anges déchus de Wong Kar-Wai, vers la fin, en passant par la littérature de la Renaissance) est parfois bien pensé, mais pas toujours, et surtout, il ne sert pas à grand chose. Que ce soit par ambition de faire montre d’érudition ou par volonté d'en donner un peu à tout le monde (sans oublier des petites touches toujours vendeuses, comme la salsa, des visuels séduisants et une grande exubérance d'ensemble), le film est surchargé de détails qui ne sont pas difficiles à comprendre, mais qui deviennent vite fatigants. Plus le spectacle monte en volume et se fait flashy, plus il lasse, s'il n'y a aucune vraie substance sous la surface.

Rains over Babel a été coproduit par Fabrica Mundi LLC (Espagne) et Gala del Sol Films (Colombie).

(Traduit de l'anglais)

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