Critique : La terra negra
par Alfonso Rivera
- Alberto Morais propose de nouveau un film aride, humaniste et hiératique dont les décors et les acteurs fuient l'artifice, une histoire de connexion et de sacrifice nimbée d'un halo mystico-religieux

Alberto Morais est un habitué des festivals : son dernier film en date avant son nouveau, La madre [+lire aussi :
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fiche film], a fait sa première à la Seminci de Valladolid (après être passé par l'Atelier de la Cinéfondation de Cannes) et son premier long-métrage de fiction, Las olas [+lire aussi :
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fiche film], a remporté le prix du meilleur film et le Prix FIPRESCI au Festival de Moscou. Morais, également auteur du documentaire Un lugar en el cine (2007), qui a marqué ses premiers pas de cinéaste, présente actuellement à la 40e édition de l’événement valencien Cinema Jove (dans la section Première) son cinquième film, La terra negra [+lire aussi :
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fiche film], dévoilé en première mondiale à Malaga, dans le cadre de la compétition officielle.
Comme ses travaux précédents, ce film de Morais fuit les conventions comme le démon. Ici, rien et personne ne se tient au standards habtituels de la narration cinématographique : ni l'interprétation (tout en retenue) des acteurs, ni les mouvements (rares) de la caméra, ni le scénario, écrit par le réalisateur avec Samuel del Amor.
Le film présente María et Ángel (incarnés par Laia Marull, dont c'est la troisième collaboration avec Morais, et Andrés Gertrúdix), un frère et une sœur qui tiennent un moulin dans un village poussiéreux. Elle est revenue dans la petite localité après avoir étudié et travaillé ailleurs, sans arriver à grand chose. Il traîne la malédiction d’être considéré comme un inutile doublé d'un bon à rien. Leur vie change quand se présente pour travailler avec eux Miquel (Sergi López), un ancien détenu dont le reste du village se méfie.
La terra negra, divisé en deux parties ("Dies Irae" et "Vía Crucis") encadrées par un générique où apparaît le tableau Agnus Dei de Francisco de Zurbarán, tout un symbole du sacrifice chrétien, est un film aride, sec et rêche comme du papier de vierre qui, en usant de l'iconographie religieuse, s'engouffre sur le terrain du néoréalisme mystique et humaniste avec certains éléments surnaturels, mais peu de moyens et aucun effet spécial.
On assiste à une succession de séquences tendues où personne n'esquisse le moindre sourire, parce que le film parle de confrontation sociale et de défiance par rapport à tout ce qui est d’ailleurs/étranger. Cependant, malgré ses teintes ocres et grisées, il laisse une brèche ouverte à l'espoir non seulement dans sa scène finale, mais aussi dans les moments sensibles de connexion entre déclassés que vivent les trois personnages, incarnés par des acteurs qui portent tout ce parcours de manière très intériorisée.
Cette narration pondérée et mystique, à mi-chemin entre le cinéma ancré dans le religieux de Pasolini et celui d'autres cinéastes hors normes comme Bresson, Dreyer et Kaurismäki, avec une caméra extatique qui s’arrête sans se presser sur les visages et les lieux dépouillés qu'on voit ici pour en extraire la vérité profonde, fait de la découverte de ce film une expérience aussi unique pour le cinéphile amateur de gestes différents qu'elle est exigeante pour le spectateur moins habitué à ce genre de cinéma radical.
La terra negra est une coproduction entre l’Espagne et Panama qui a réuni les efforts des sociétés Olivo Films, Elamedia Estudios, Dexiderius P.A. et Garra Producciones. Le film sortira en Espagne le 29 août, distribué par Sideral.
(Traduit de l'espagnol)
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