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FILMS / CRITIQUES Pologne

Critique : Loss of Balance

par 

- Dans son premier long-métrage, Korek Bojanowski enquête avec beaucoup de sagacité sur la manipulation et les abus de pouvoir dans un lieu où on est hautement vulnérable : en école d'art dramatique

Critique : Loss of Balance
Nel Kaczmarek dans Loss of Balance

Dans Loss of Balance [+lire aussi :
interview : Korek Bojanowski
fiche film
]
, un premier long-métrage très maîtrisé, Korek Bojanowski analyse la tension trouble entre ambition et manipulation au sein d’une école d'art dramatique polonaise, où les barrières émotionnelles sont floutées au nom de l'art. Le film, qui a commencé sa carrière internationale au Festival du cinéma polonais de Gdynia en septembre, a récemment remporté le Prix du meilleur scénario au Festival international du film de Shanghaï. Il vient de faire l'objet d'une projection exclusive organisée à Bruxelles par Cineuropa, le Polish Film Institute et l'EFAD, et figure également au programme du Tofifest IFF de Toruń, en Pologne.

À quelques semaines de leur diplôme de fin d'études, les élèves d’un cours d'art dramatique tentent de jouer Antigone, mais ils ne semblent pas franchement captivés par les thèmes traités par cette tragédie antique, ni par son sens profond. Soudain, un homme fait irruption dans la salle où ils répètent, interrompt leur travail et annonce non seulement qu’il va prendre la main sur les préparatifs précédant le diplôme, mais aussi qu'il faut changer de pièce. Il s'agit de Jacek (Tomasz Schuchardt), un metteur en scène star dans le domaine du théâtre, de retour après une pause de deux ans. Maja (une Nel Kaczmarek magnétique), qui est sur le point d’abandonner son projet de devenir comédienne après des dizaines d’auditions infructueuses et travaille la nuit comme serveuse, suggère alors de préparer Macbeth, et Jacek dit oui. Élève et professeur vont développer un lien étrange : au début, Jacek encourage Maja à davantage s'investir dans l'interprétation et à se battre pour le rôle de Lady Macbeth, en plus de faire d'elle sa confidente, mais à mesure que le soir de la grande première approche, Jacek révèle son côté obscur, et Maja aussi.

À partir de là, le film devient une étude sur l’ambition, la manipulation et le fait de forcer les acteurs à s'immerger dans leurs peurs et traumatismes personnels "pour l'art". Loss of Balance montre comment, lentement mais sûrement, Maja est happée dans un univers d’ambition et de rapports de pouvoir. Son personnage scintille d’intentions à la fois bonnes et mauvaises. C'est un personnage bien écrit et encore mieux interprété : Kaczmarek arrive à nous faire ressentir de l'empathie pour Maja, mais également à nous faire douter de plus en plus de ses actes. Elle fait l'effet d'une grenouille jetée dans l’eau bouillante qui cuit peu à peu. Cependant, un des mystères du film (qui est aussi une de ses qualités les plus attrayantes) est la conscience qu'a Maja (ou pas) de ce qu'elle fait. D'où vient son ambition ? Était-elle là depuis le début ou est-ce la pression subie de la part de Jacek qui l'a amenée à changer ?

L'intrigue du film ne se fonde pas sur un cas spécifique, mais sur les répercussions du mouvement  #MeToo dans les écoles d'art dramatique et les théâtres de Pologne. Ces dernières années, une foule de pratiques peu éthiques et violentes ont été dénoncées, et de nouveaux standards ont été introduits. Bojanowski, qui a coécrit le scénario avec Katia Priwieziencew, utilise ces nouvelles informations de manière intelligente et subtile, faisant de Loss of Balance une étude à valeur universelle sur la manipulation, qui peut se exister dans n’importe quel milieu où il y a un déséquilibre dans les rapports de pouvoir et de piètres standards de comportement. En même temps, son film n'est pas noir et il ne juge pas. Il ne prétend pas non plus tout savoir, mais présente son sujet avec humour, une énergie pleine de jeunesse et une bonne dose d'enthousiasme.

Le nombre de décors où se déploie l’action est limité et la caméra est souvent fixée sur Maja, ou les visages des autres aspirants comédiens, pour observer attentivement ce qui se passe en eux. La mise en scène et la direction d'acteurs de Bojanowski sont pleines d'assurance et combinent habilement ombre et légèreté. La main du réalisateur est à la fois ferme, bien mesurée et douce et si son héroïne perd de plus en plus pied, Bojanowski non, à aucun moment.

Loss of Balance a été produit par la société polonaise Dynamo Film. Les droits internationaux du film sont encore disponibles.

(Traduit de l'anglais)

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