Critique : Divia
par Vladan Petkovic
- Ce documentaire Immersive sans dialogues par le réalisateur ukrainien Dmytro Hreshko montre combien la guerre affecte la nature et les animaux

Le troisième long-métrage documentaire du réalisateur ukrainien Dmytro Hreshko, Divia [+lire aussi :
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fiche film], qui vient de faire sa première mondiale dans le cadre de la compétition pour le Globe de cristal de Karlovy Vary, s'intéresse à l'impact, rarement montré, de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur le nature et les animaux. Ce travail impressionnant, immersif et sans dialogues, est certain d’attirer l’attention des festivals, et peut-être même de quelques distributeurs dans les territoires potentiellement les plus réceptifs. Il pourrait aussi bien fonctionner sur le marché du streaming.
Le cinéma propose beaucoup de symphonies urbaines, mais la nature est souvent reléguée à des contenus télévisuels. À l’inverse, le film de Hreshko relate toute une épopée de destruction et de renaissance de la nature. Bien que le film n’ait pas d'intrigue au sens traditionnel, il suit clairement des principes dramaturgiques. Ses grands atouts sont, naturellement, la photographie de Hreshko et Volodymyr Usyk, la musique de Sam Slater et le design sonore de Vasyl Yatsushenko et Mykhailo Zakutskyi, tous méticuleusement conçus, à grande échelle et dans les moments plus intimes où l'on voit les choses de plus près.
Le film nous donne à connaître la nature ukrainienne travers des plans aériens où la caméra tourne constamment autour de son axe. On vole au-dessus de forêts, de montagnes, de chants, de lacs, de la mer, de rivières et des hôtes de ces lieux (biches, sangliers, ours, bisons, oiseaux) sur une musique orchestrale. Ensuite, la caméra se rapproche du sol et ondule parmi les paysages. Quand surviennent le premier bruit d’avion et la première explosion, la musique s'assombrit et les animaux courent se cacher. Un motif musical récurrent apparaît pour la première fois : un son profond, rappelant Inception, moins intense mais plus sombre et plus inquiétant, probablement une contrebasse jouée à l'archet. La musique devient ensuite dissonante, évoquant parfois de l'indus, paratisée par des grésillements et du larsen, ponctuée de soupirs, de cris et de chuchotements de la part des vocalistes, plus quelques échanges inaudibles, au loin, probablement venant de soldats au combat.
On voit des tanks et des bâtiments éclater sous les bombes, des villes inondées (on sait qu'on est à un moment à Zaporizhzhia à une pancarte de restaurant émergeant hors de l'eau, car aucune indication écrite ne nous est donnée sur les lieux du film), des villages détruits et des forêts d'arbres calcinés, le tout moucheté de tanks rouillés et d'obus. De temps en temps, la caméra descend jusqu’au sol, et on voit un vétérinaire qui nourrit un chat dans un village détruit. La musique s'arrête, des démineurs sont à l'œuvre qu'on voit dans des plans moyens ou en gros plan. Des poissons et des dauphins morts s'échouent sur les rives.
Ensuite, le film change de nouveau de vitesse pour nous montrer le renouvellement de la nature et de la vie sauvage : des fleurs poussent dans la rouille et la poussière, une coccinelle se promène sur des fragments de missile, les insectes bourdonnent, les oiseaux pépient et les grenouilles coassent. La biche qu'on avait vu fuir plus tôt pointe de nouveau la tête entre les arbres. Des gens en blouses blanches relèvent des échantillons.
La coda offre certaines des images les plus frappantes du film, tout en répétant certains motifs vus plus tôt, de sorte que le ton qu'elle adopte n'est pas tout à fait clair et qu'elle ne paraît pas entièrement nécessaire. Mais si on y pense, cela reflète bien le cours de l'épuisante guerre.
Tout comme dans les médias, saturés par un nombre grandissant de guerres, de désastres et de nouvelles perturbantes en général, sur le marché du documentaire, on sent une lassitude regrettable, mais indéniable, par rapport aux films liés à l'Ukraine. Dans ce sens, Divia a une bonne chance de se démarquer, en tant que film ayant la portée la plus vaste jusqu'ici.
Divia a été coproduit par Gogol Film (Pologne), UP UA Studio (Ukraine), Valk Productions (Pays-Bas) et UP USA Studio (États-Unis). Les ventes internationales du film sont gérées par Taskovski Films.
(Traduit de l'anglais)
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