07/07/2025 - Ondřej Provazník présente un récit d’apprentissage poignant qui s’immerge avec une force subtile dans les turbulences émotionnelles vécues par une jeune chanteuse de chorale

Au début des années 1990, Karolína (Kateřina Falbrová), 13 ans, est une prometteuse jeune chanteuse dans une chorale de filles qui attire l’attention du maître de chorale (Juraj Loj), ce qui lui vaut le dédain du reste des membres de l'ensemble, notamment sa sœur (Maya Kintera). Broken Voices [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Ondřej Provazník
fiche film], écrit et réalisé par Ondřej Provazník, en lice pour le Globe de cristal de Karlovy Vary,  retrace de très près le parcours émotionnel de Karolina à mesure que la jeune fille, d'abord flattée, bascule lentement vers la honte et la culpabilité. Ses sentiments s'intensifient au fil du temps, nourris à la fois par la pression venue de l'extérieur et par son propre conflit interne. Le film s'inspire de l'affaire, réelle, des Bambini di Praga, une chorale d’enfants constituée principalement de filles qui a été au cœur d’un scandale d'abus sexuels.

Avec une délicatesse remarquable, Broken Voices explore le paysage intérieur de ses deux personnages principaux, employant des gros plans et usant d'un rythme volontairement mesuré pour attirer le spectateur dans leur monde intérieur. Le jeu est contenu, mais profondément expressif, et transmet subtilement un malaise qui s'intensifie progressivement. Bien que le film comporte un bon nombre de personnages secondaires, on a souvent l’impression que le récit ne tourne qu'autour des deux personnages principaux, mais il faut voir la chose comme un trait positif et une marque du remarquable talent du réalisateur pour ce qui est de composer un microcosme intime à l’intérieur d’un cadre beaucoup plus vaste. La chorale omniprésente, qui renvoie à la fois aux notions de collectivité et d’isolement, est dépeint comme l’environnement parfait pour ce choix narratif.

La force du film réside de fait non seulement dans les interprétations des comédiens et dans son traitement visuel, mais aussi dans la capacité du réalisateur à brouiller les frontières entre la sphère personnelle et la sphère publique dans sa description de la façon dont la jeune héroïne affronte ce qui lui arrive. Le rythme du film aurait certes pu être plus précisément calibré : la construction progressive de la tension, quoique riche en termes d'atmosphère, se relâche parfois, particulièrement dans la première moitié du film, moins bien ficelée et moins forte émotionnellement que la seconde, qui se déploie avec une grâce lyrique, portée par une mise en scène et un montage impeccables, ce qui permet à la tension de vraiment s'accroître.

Ce déséquilibre pourrait bien être le résultat d’une décision artistique consciente, à chacun de l'interpréter comme il l'entend, mais une progression plus harmonieuse aurait pu amener le film à d'autres hauteurs. En même temps, le film de Provazník est un exemple solide du fait qu'il est possible de faire d'un potentiel défaut une force, du moins aux yeux de certains spectateurs. L'entrée dans l'univers de cette jeune chorale féminine est facilitée par la répétition des actions et des discussions, ainsi que par le fait que le film se concentre intensément sur le chant, de manière poignante mais parfois redondante, ce qui contribue au malaise qui s'établit peu à peu.

En somme, Broken Voices est un film profondément marquant et soigneusement composé qui atteint son paroxysme dans une conclusion qui, pour être assez prévisible, est rendue avec une tendresse et une retenue extraordinaires. Le film ne peut que faire forte impression au spectateur pour sa force tranquille et son authenticité émotionnelle.

Broken Voices est un film tchèque produit par Endorfilm en coproduction avec Punkchart Films, Česká Televize, Innogy et Barrandov Studio. Les ventes internationales du film sont gérées par Salaud Morisset. 

(Traduit de l'anglais)