Critique : They Come Out of Margo
par Vladan Petkovic
- Le huitième long-métrage d'Alexander Voulgaris est un film d'horreur musical expérimental très singulier qui fonctionne avant tout sur un plan subconscient et viscéral

Le réalisateur et compositeur grec Alexander Voulgaris revient à Karlovy Vary pour la première fois depuis Pink (2007) avec son huitième long-métrage, They Come Out of Margo, projeté en première mondiale dans le cadre de la compétition Proxima. Ce travail, résolument un des plus curieux du programme de l'événement tchèque cette année, est un film expérimental mêlant horreur et comédie musicale inspiré d’un album que Voulgaris a lancé sous son pseudonyme de musicien, The Boy.
Le réalisateur s'est de nouveau associé, pour ce film, avec Sofia Kokkali, un des visages les plus reconnaissables du cinéma grec contemporain. Elle incarne Margo, une compositrice qui était une star mais vit désormais en recluse et n'a lancé aucun nouvel album en sept ans. À peu près au moment de sa naissance, la sœur de Margo, Margaret, a été tuée, et son corps n’a jamais été retrouvé.
Le film s’ouvre sur cette scène de meurtre. La fillette, âgée de onze ans, revient de l’école et assez vite, une femme dessinée sur la pochette d'une cassette audio apparaît dans sa chambre et l'étrangle. Cet événement presque viscéral est rendu à travers une succession d'arrêts sur image, commes des photos prises en rafale, un effet qui sera utilisé tout au long du film, ainsi que d’autres procédés visuels et effets sonores extravagants. La caméra est rarement tranquille : elle balaie la scène, bifurque, virevolte, et s'aventure dans des zooms floutés. La musique qui enveloppe le tout va de l'abstraction de la musique concrète avec piano, percussions (évoquant quelque chose de rituel), guitares grinçantes et voix célestes, à un morceau disco pop et même à de véritables ballades, dont certaines dédiées à Athènes (une préoccupation centrale dans le travail de The Boy).
Margo vit avec Rhea (Evi Saolidou), identifiée dans le dossier de presse comme son infirmière, mais elles semblent tellement proches qu'on a du mal à ne pas voir ce lien comme une relation amoureuse. C’est son quarantième anniversaire, et ses amis et collaborateurs viennent chez elle fêter l’événement : le producteur Duke (Ektoras Lygizos), son ancienne baby-sitter puis parolière Gertrude (Zaklin Polenaki), trois chanteuses qui ont chanté ses airs et Phoebe (Flomaria Papadaki), une jeune actrice qui va l'incarner dans un biopic en préparation.
Les personnages ne chantent comme dans une comédie musicale traditionnelle que dans deux scènes, mais c'est la musique qui porte le film. Le segment le plus frappant commence quand Margo et ses invités cuisinent des cables électriques (elle compose sur une machine qui combine synthétiseur, tourne-disque, panneau de contrôle et trompette de vieux gramophone) et se lancent dans une danse de groupe frénétique qui ressemble à un combat sauvage, mais comme les images fixes qui s'enchaînent vite sont accompagnées d'une musique très rapide, presque rituelle, on distingue difficilement ce qui se passe, tout comme dans l’intrigue du film.
À travers les dialogues, on apprend que le titre du film est littéral : des gens sortent vraiment de Margo. On ne voit pas la chose en train de se produire, mais d'étranges figures, menaçantes ou juste troublantes, entrent soudain en scène.
On pourrait soutenir que c'est un simple film d’horreur qui reprend les figures habituelles du traumatisme remontant à l'enfance, avec une touche de body horror et autres sous-genres occultes, mais l'histoire n'est pas assez claire, et la relation de Margo avec les autres personnages se prête à de nombreuses interprétations psychologiques possibles. Si cet objet filmique unique en son genre fait rarement peur, du fait des nombreux effets de mise à distance qu'il comprend, il est certainement très singulier et offre au spectateur une expérience intéressante et intense. C’est probablement mieux de le laisser opérer comme une pièce musicale que comme un récit filmique : de manière instinctive, subconsciente et viscérale.
They Come Out of Margo a été produit par la société grecque Filmiki.
(Traduit de l'anglais)
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