Critique : Gibier
par Giorgia Del Don
- Le Français Abel Ferry nous amène au cœur d'un abattoir visé par un groupe d'activistes prêts à tout pour défendre la cause animale

Abel Ferry vient de présenter son nouveau film, Gibier [+lire aussi :
interview : Abel Ferry
fiche film], en première mondiale au Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) (section Ultra Movies). Le réalisateur français, déjà connu de l'événement suisse (où il a concouru en 2009 pour le Narcisse H.R. Giger du meilleur film avec Vertige [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], qui a, à l'époque, donné des sueurs froides à la plupart des festivaliers), a de nouveau fait mouche auprès de ce public exigeant et assoiffé de sensations fortes. Si le titre du film évoque le genre de restaurant qu’aucun végétalien ne voudrait fréquenter, les valeurs qu'il défend ne sont en aucun cas celles chères aux chasseurs qui parcourent nos montagnes pour traquer leurs proies.
Les héros de l’histoire sont un groupe d’activistes (dont une doyenne interprétée par Anne Richard) qui vivent en communauté en pleine campagne. Désenchantés par la frénésie, la violence et l’indifférence de la société dans laquelle ils vivaient et travaillaient encore jusqu'à peu avant, ces défenseurs de la cause animale ont décidé de se retirer du monde pour vivre une utopie communautaire. Ce qui déchaîne leur colère et donne le coup d’envoi du film est le sentiment d’injustice qu’ils éprouvent quand ils ont vent des conditions de vie atroces des cochons qui arrivent à l’abattoir local. Pour dénoncer ce qui se passe, ils décident de filmer le lieu pour pouvoir ensuite poster ces images sur internet, ou les faire parvenir à la presse – une action apparemment pas trop risquée qui s'avère cependant bien plus compliquée que ce que nos héros et héroïnes pensaient. Pour ne rien arranger, le propriétaire de l’abattoir (bien interprété par Olivier Gourmet), qui aspire à faire de la politique, est prêt à tout pour défendre sa précieuse usine de biftecks.
Entre courses folles, armes en tout genre et litres d'hémoglobine, Gibier met en scène de manière crédible (et parfois volontairement comique) le combat entre bien et mal, entre idéologie et profit, entre tendresse et violence. Cependant, si les quatre personnages du film (incarnés par Kim Higelin, Marie Kremer, Mouloud Ayad et Jean-Baptiste Lafarge) sont mus par des revendications plus que louables, parfois, la violence qu’ils expriment nous amène à nous interroger sur les limites de leur action punitive. Jusqu’où est-il légitime d'aller pour défendre ses idéaux ? Si au début du film, qui s'ouvre sur une série d’images insoutenables montrant les mauvais traitements infligés à un groupe de cochons (et leurs petits !) dans un abattoir, tout semble justifié, plus l'histoire avance, plus la frontière entre le bien et le mal s'affine.
Le film, délicieusement sanguinolent mais jamais gratuitement choquant, séduisant, jamais banal, met en scène des personnages qui ne détonneraient pas dans un film de genre américain classique. La précision avec laquelle chacun d'eux est décrit fait que l'histoire racontée n'est jamais prévisible ni excessivement caricaturale. Gibier confirme le talent d'Abel Ferry pour ce qui est de mettre en scène l'horreur et la violence sans tomber dans le pur spectacle. L'ironie et l'ambiguité dont le film est empreint permettent au spectateur de jouir du plaisir coupable que ressent inévitablement, face à ce genre de film, l'amateur de films de genre.
Gibier a été produit par Phase 4 Productions et Place du Marché Productions en France, et Umedia en Belgique. Les ventes internationales du film ont été confiées à WTFilms.
(Traduit de l'italien)
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