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KARLOVY VARY 2025 Compétition

Critique : Jimmy Jaguar

par 

- Bence Fliegauf livre un pseudo-documentaire où il dissèque les facteurs par lesquels des rumeurs sur un démon folklorique deviennent un phénomène psychosocial

Critique : Jimmy Jaguar

Avec Jimmy Jaguar [+lire aussi :
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, qui a fait sa première mondiale en compétition au 59e Festival de Karlovy Vary, Bence Fliegauf s'aventure de nouveau dans la narration hybride. Le film, structuré comme un faux documentaire, examine la manière dont une croyance marginale en un démon folklorique prend de l'ampleur à travers une série de rencontres vaguement reliées, brouillant la frontière entre psychose collective et mythe inventé de toutes pièces.

Le film s’ouvre sur des images d’un interrogatoire, celui d’un jeune mécanicien, Robert Kiss (Erik Major), que tout le monde appelle Graine. Il a été arrêté avec un excentrique local, le poète Marci Balfi (Krisztián Peer). Les deux hommes, qui ne s’étaient jamais rencontrés avant, ont été appréhendés après avoir attaqué un individu vivant en reclus, l'avoir attaché et placé sur un bateau, le laissant partir à la dérive sur la rivière Tisza. L'enquête qui s'ensuit révèle que la victime était un criminel de guerre serbe qui se cachait dans la forêt. Lors de l’interrogatoire, Graine propose une explication tout sauf plausible : Balfi et lui ont agi possédés par un démon nommé Jimmy Jaguar, dit Jagu.

Si Jimmy Jaguar pourrait être décrit comme une histoire de possession avec des éléments d’horreur folklorique, Fliegauf évite les marqueurs conventionnels du genre. Le film, initialement conçu comme une série, consiste en une série de rencontres avec des individus qui prétendent avoir été possédés par l'insaisissable démon. Le film est structuré comme une version hongroise du Projet Blair Witch, bien que son son approche comprenne aussi des aspects judiciaires qui renvoie au true crime. Combinant des enregistrements collectés pour l’enquête, des images trouvées et des interviews de témoins, le film est un patchwork narratif rendant compte d'une série d'incidents de possession (du moins selon les concernés) qui vont mener à la formation d'une secte; avec Balfi (assez semblable à Charles Manson) comme leader. 

Cependant, Jagu fonctionne moins comme une entité malveillante que comme un meme, meme qui attire un groupe disparate d’individus, dont une femme enceinte qui prétend porter l'enfant du démon. L’intrigue, à combustion lente, se déplace petit à petit de l’enquête sur Jagu vers l’organisation d'une deuxième mission instiguée par le démon, pour venger des abus commis dans un établissement public.

Le film évolue de manière fluide entre la fiction spéculative et le réalisme observationnel. On y retrouve l’esthétique austère typique du travail de Fliegauf et des éléments de docufiction, de drame ethnographique et d'épouvante psychologique. Le chef opérateur Mátyás Gyuricza emploie des plans moyens et use des lumières ambiantes, mêlant au found footage différents types de formes documentaires stylisées. Plus qu'un film d’horreur classique, le film se pose en enquête sur les hallucinations collectives, s'engageant davantage sur le terrain du psychosocial.

Si le style narratif minimaliste donne le la, le dénouement n'en paraît pas moins un peu éteint. Le film se termine sans fioritures, faisant retomber la tension de manière assez simple et directe. Jimmy Jaguar, réalisé presque sans aucun budget, se concentre sur une seule idée qui fait l'effet d'avoir été trop étirée et diluée. Au bout du compte, le film évoque plus un exercice sur les techniques du docufiction qu'une œuvre à part entière, car on n'y retrouve pas la complexité et les sens multiples qui existaient par exemple dans Forest – I See You Everywhere [+lire aussi :
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du même auteur, malgré une structure épisode similaire et le fait qu’il y fasse fusionner le banal et l'étrange.

Jimmy Jaguar a été produit par la société hongroise FraktálFilm.

(Traduit de l'anglais)

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