Critique : Better Go Mad in the Wild
- Le nouveau travail de Miro Remo nous donne à connaître deux jumeaux qui vivent en pleine nature sauvage, et nous permet d'avoir à travers eux un aperçu d'une vie qui pourrait sembler incroyable

Dans quelle mesure faut-il qu'on s’accroche à ce qui est perçu comme "de notoriété publique" ? Quand la civilisation cesse-t-elle d’être un confort et devient un fardeau, voire une présence envahissante dans notre vie privée ? Faut-il suivre les clichés ou a-t-on le droit d'inventer nos propres règles dans un temps et un espace à nous ? Et en parlant de ce dernier, peut-on passer toute notre vie dans un endroit seulement, sans jamais ressentir le besoin d’aller ailleurs, d’essayer autre chose ?
Le journaliste, publicitaire et écrivain Aleš Palán posait ces questions dans son livre Better Go Mad in the Wild, dont le documentariste slovaque Miro Remo propose à présent une adaptation filmique, Better Go Mad in the Wild [+lire aussi :
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interview : Miro Remo
fiche film]. Comme son film précédent, le documentaire At Full Throttle [+lire aussi :
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interview : Miro Remo
fiche film] (2021), ce nouveau film hybride impossible à étiqueter a fait sa première au Festival de Karlovy Vary, dans le cadre de la compétition pour le Globe de cristal.
Les jumeaux František et Ondřej Klišík n’ont jamais quitté leur maison, dans un village de la région de Šumava, sur la triple frontière entre la République tchèque, l’Autriche et l’Allemagne. Le moment fort de leur vie a sans doute été la révolution de Velours de 1989, quand ils distribuaient des prospectus contre le régime communiste, un engagement qui leur a valu d’être décorés, mais ils n’ont jamais bâti de carrière en s'appuyant sur ce succès. Aucun ne s’est jamais marié, car les femmes ont toujours eu du mal à s’adapter aux dynamiques étranges existant entre Franta et Ondra, comment ils se surnomment. Il semble aussi qu’ils n'aient jamais pu décrocher (à moins qu'ils n'en soient incapables) d'emplois stables.
Avec leurs longues barbes, on dirait des artistes. Leur style de vie "assez ouvert aux drogues récréatives" (même leur chien s’appelle "Joint") et leurs idées folles suggèrent la même chose, mais ils ne sont jamais devenus célèbres, et n'ont même jamais fait quoi que ce soit qui puisse perdurer après leur mort. Il y a aussi des différences entre eux : František, dont on apprend qu'il a perdu son bras en travaillant dans une scierie, est un rêveur qui pense en rimes, mais n’écrit pas ses poèmes, et veut construire une nouvelle vis aérienne mobile sans croquis de référence, alors qu'Ondřej est plus réaliste et cultive un fort penchant pour l'alcool, ce qui donne lieu à de nombreuses disputes entre eux.
On les suit à travers une série de vignettes sur les quatre saisons d’une année. Tout ce temps, on ne les voit presque jamais éloignés de leur maison croulante et du domaine agricole qui l'entoure. Parfois, František va se balader nu dans la forêt, non loin, mais on ne voit jamais aucun des deux faire ce qu’on appelle des choses normales, comme aller en ville pour acheter quelques denrées de base, et le réalisateur ne se donne pas non plus la peine de nous fournir quelques informations biographiques sur les frères, alors qu'en République tchèque, tout le monde les connaît.
Quelle part du film est documentaire, quelle part est jouée ? Est-ce vraiment important, après tout ? Quoi qu’il en soit, Miro nous insère dans l’univers des jumeaux à travers une photographie attentive (élaborée par lui et Dušan Husár), bien complétée par le montage de Šimon Hájek et Maté Csuport, qui donne un certain rythme à la vie des personnages. En théorie, la bande originale (riche en musique classique) d'Adam Matej devrait servir de liant entre les différents passages du film, mais elle fait surtout l'effet d'être un peu trop littérale.
Better Go Mad in the Wild est de ces films qui posent beaucoup plus de questions qu'ils ne se fatiquent à en résoudre, l'idée étant avant tout de nous permettre d'observer une vie qui pourrait sembler incroyable à beaucoup de spectateurs. L'approche "par tous les moyens" adoptée pourrait s'avérer fascinante pour certains et frustrante pour d'autres, mais le film indéniablement unique.
Better Go Mad in the Wild est une coproduction tchéco-slovaque qui a réuni les efforts de Arsy-Versy et nutprodukce en coproduction avec la Télévision tchèque. Les ventes internationales du film sont assurées par Filmotor.
(Traduit de l'anglais)
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