email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

LOCARNO 2025 Compétition

Critique : God Will Not Help

par 

- Hana Jušić présente un deuxième long historique, riche, saisissant et souvent surprenant articulé autour d'une famille, qui s'appuie sur des contributions techniques originales

Critique : God Will Not Help
Manuela Martelli dans God Will Not Help

Dans son deuxième long-métrage, God Will Not Help [+lire aussi :
interview : Hana Jušić
fiche film
]
, qui vient de faire sa première mondiale en compétition au Festival de Locarno, la réalisatrice croate Hana Jušić voyage dans le temps par rapport à son remarquable premier long-métrage, Quit Staring at My Plate [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Hana Jušić
fiche film
]
, mais pas dans l’espace. Il s’agit de nouveau d'un récit centré sur une famille, cette fois mâtiné d’horreur, sur des gens aussi rudes que les montagnes qu'ils habitent et sur la position des femmes dans cet univers très patriarcal.

Le film, qui se passe au début du XXe siècle dans la région de la Zagora en Dalmatie, à l'ouest de la Croatie, surprend par son personnage principal : Teresa (incarnée par l'actrice chilienne Manuela Martelli), qui arrive au bas des montagnes, où vit une famille de bergers dans de simples maisons de pierre. Pendant que les hommes sont en haut avec les bêtes, elle rencontre Milena (Ana Marija Veselčić), la seule sœur d'une famille comprenant aussi trois frères. Entre sa robe noire de citadine et le fait qu'elle parle espagnol, Teresa fait l’effet d'une apparition à l'humble campagnarde.

Jušić ignore la convention cinématographique qui veut que les personnages ne parlant pas la même langue semblent soudain se comprendre, ce qui injecte dans le film de la tension tout en soulignant un de ses sujets principaux : la difficulté de communiquer. Ce n’est pas juste que personne ne comprend Teresa : les autres personnages arrivent à peine à se comprendre entre eux, bien qu'ils parlent tous croate. Cela est dû au peu d'émotions qui s'expriment dans ce genre de famille, du fait de leurs conditions de vie brutales et de coutumes religieuses strictes, entendues au sens le plus étroit qui soit.

Grâce aux illustrations dans un livre de prière, Teresa parvient à expliquer à Milena qu'elle est la veuve de l'aîné de ses frères, Marko, parti au loin – on comprend là qu'il est allé au Chili, où il y a eu à l’époque une ruée vers l’or. Elle a amené ses os pour qu'il soit enterré chez lui, et compte s'occuper de sa part des bêtes et de la terre. Les deux femmes nouent une relation tendue mais de plus en plus intime, et puis soudain les hommes reviennent.

Le cadet des frères (Marko Ercegović Gracin) salue sa sœur en criant et en la frappant, parce qu'elle a détaché son chien de sa chaîne. Le frère du milieu, Ilija (Filip Djurić, vu cette année dans How Come It's All Green Out Here? [+lire aussi :
critique
interview : Nikola Ležaić
fiche film
]
), qui arrive accompagné de cousins (dont une autre femme et plusieurs jeunes enfants), s'avère être un homme doté d'une certaine spiritualité et d'une ouverture d’esprit inattendue. Pour les autres, il est une énigme. Lui et Teresa sont des figures inversée : il fait l'effet d'un saint savant et elle est perçue comme une sorcière, surtout après une scène nocturne fantasmagorique où un loup apparaît près d’elle.

Les quelques séquences pénétrantes de ce type que le film propose et les illustrations dans le livre de prière (de plus en plus inquiétantes) sont des ajouts tout à fait saisissants et créent du contraste parmi les images où la cheffe opératrice Jana Plećaš met en avant les espaces immenses, entre le bleu du ciel et les rocheuses, où l'histoire se passe, et à l'intérieur desquels les figures humaines ne sont souvent que des petits points. Pendant ce temps là, Teresa en robe noire cheminant péniblement sur les cailloux et l'herbe a quelque chose de victorien. Parfois, Jušić nous immerge dans une sorte de transe, ce que la durée du film (138 minutes) permet, en s'éloignant doucement des personnages tandis qu'ils prononcent des monologues que l’autre personnage face à lui/elle ne comprend pas, et en illustrant le tout au moyen de figures et d'objets souvent franchement flippants. Les airs composés par Stavros Evangelou, Iris Asimakopoulou et Vasilis Chontos, qui rappellent la pulsation et l'ampleur de la musique électronique de Tangerine Dream, apportent une contribution inattendue et extrêmement efficace au ton d'ensemble du film.

God Will Not Help est un film riche et remarquable, et même s'il est parfois exigeant, on ne peut que le recevoir avec attention et respect. Il a été coproduit par Kinorama (Croatie), Nightswim (Italie), Microfilm (Roumanie), Horsefly Films (Grèce), Maneki Films (France) et Maneki Films (Slovénie). Les ventes internationales de God Will Not Help sont assurées par New Europe Film Sales.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy