Critique : White Snail
par Veronica Orciari
- Elsa Kremser et Levin Peter combinent un récit intime sur le lien inattendu qui se noue entre un mannequin et un employé à la morgue avec des visuels saisissants, atmosphériques, en Biélorussie

Masha (Marya Imbro) et Misha (Mikhail Senkov), déjà complémentaires par leurs noms, forment un couple extrêmement atypique. Elle est aspirante-mannequin et rêve de faire carrière en Chine. Il travaille de nuit comme employé à la morgue, mais il est obsédé par la peinture et remplit sa maison de ses créations (sachant que les peintures qu'on voit dans le film sont les véritables créations de Senkov). White Snail [+lire aussi :
interview : Elsa Kremser et Levin Peter
fiche film], inspiré de deux histoires vraies rejouées par les gens qui les ont vécues, est un exemple puissant de mélange réussi entre une formidable idée d’intrigue et des qualités cinématographiques séduisantes. Le film, écrit et réalisé par Elsa Kremser et Levin Peter, présenté en compétition au Festival de Locarno, a un autre as dans sa manche : il se passe en Biélorussie, un pays qui est un personnage à lui seul, et souligne le sentiment de solitude et d’isolement ressenti par les deux personnages.
Grâce à l'utilisation impressionnante de la lumière qui est faite ici, et au travail habile du chef opérateur Mikhail Khursevich, White Snail peut se targuer de captiver sans mal le spectateur, visuellement, malgré le fait qu'il n'ait pas un style précis. L'histoire, originale, couplée à des interprétations extrêmement réalistes, est dite sur un ton maussade, avec un accent sur les plans qui soulignent la présence physique des corps, vivants et morts. Misha et Masha eux-mêmes sont mémorables pour leur allure et leur physique, et la présence récurrente d’escargots (que Masha traite comme des animaux de compagnie) donne au film une vraie singularité.
L’élément le plus intéressant dans l’écriture est la manière subtile, mais on ne peut plus efficace, dont les deux personnages se rencontrent et partagent une fraction de leurs vies ensemble. Le fait de n'avoir pas fait virer le scénario à l’histoire d’amour banale (ce qui aurait affaibli l'impact de ces deux personnages en tant qu’individus) s'avère un choix réussi, et rehausse l'attrait de Misha et Masha pour le spectateur. Les interprétations d'Imbro et Senkov sont profondément authentiques, puisqu'ils rejouent leurs propres histoires, mais elles sont aussi remarquablement convaincantes, comme s’ils avaient passé toute leur vie devant la caméra. La bonne dose de fiction est ajoutée à ces deux personnages, qui sont parfaits pour l’écran et n'attendaient que des mains capables qui sachent les diriger.
Le montage de Stephan Bechinger contribue à la fluidité de l’histoire à travers l’utilisation d’un regard parallèle sur les vies des deux personnages qui raccorde harmonieusement les scènes, où Misha et Masha ont une présence complète tandis que celle des autres personnages (comme le père de Macha au téléphone et ses amies mannequins) reste minimale. La seule vraie présence physique qui accompagne nos héros est celle des corps qui peuplent la morgue, où le duo noue un lien lors des nuits sans sommeil qu'ils passent ensemble, pendant lesquelles Misha montre à Masha comment il gagne sa vie, et elle lui fait part de sa tentative de suicide, qui est ce qui l'a amenée à s'intéresser ainsi à la frontière mince qui sépare la vie et la mort. En somme, l’équilibre entre les éléments techniques et la composante émotionnelle forte de l’histoire fait que ce film se démarque.
White Snail a été produit par les sociétés autrichiennes Panama Film et Raumzeitfilm, en coproduction avec ma.ja.de. Fiction (Allemagne). Les ventes internationales du film sont gérées par Intramovies.
(Traduit de l'anglais)
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