12/08/2025 - Avec une poésie simple mais infinie, Pippo Delbono nous offre le portrait quelqu’un qui, pour se réapproprier ses paroles, lui a sauvé la vie, et donné un nouveau sens à son travail

Bobò [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], projeté hors compétition au Festival de Locarno, est un véritable hommage à celui qui a illuminé pendant de nombreuses décennies la vie de l’immense acteur et metteur en scène italien Pippo Delbono. Le film raconte l’histoire extraordinaire d’une rencontre, celle de Pippo et Bobò, à l'hôpital psychiatrique d’Aversa, où ce dernier a vécu pendant 46 ans avant que son ami ne l’enlève et n’en fasse un des personnages centraux de ses spectacles. Bobò, artiste dans l’âme, est sourd-muet, analphabète et microcéphale, trois mots qui ont scellé sa condamnation à un internement à vie. Comme beaucoup de personnes considérées comme "folles" (neurodivergentes, en situation de handicap mais aussi inadaptées à la vie en société), Bobò a dû attendre la fameuse loi Basaglia, mais surtout l’arrivée de Pippo, pour que les portes de l'asile s’ouvrent soudain et qu'on le laisse sortir.

S’il est irréfutable que la pensée du psychiatre italien Franco Basaglia a constitué une véritable révolution et contribué à changer radicalement le point de vue du personnel soignant sur les patients, il est tout aussi indéniable que nombre d'individus n’ont pas su comment gérer la liberté soudaine et totale à laquelle ces idées ont mené, et Bobò en fait partie qui a continué d'errer dans les couloirs de l’asile sans bien savoir comment vivre la nouvelle vie qui s’offrait à lui, ne connaissant pas les codes de cette société qui l’avait jusque-là toujours rejeté. C’est donc Pippo qui a décidé de le libérer, sans plan précis, choisissant de l’emmener avec lui à un moment particulièrement sombre et difficile de sa vie. Après cela, c’est l’art qui les a unis à jamais, qui leur a permis de se sauver mutuellement. Bobò est l’histoire de cette rencontre, de ce coup de foudre artistique foudroyant, de cette histoire d’amour échappant aux schémas habituels.

Grâce à des documents d’archives qui retracent vingt années de vie commune (des films, des fragments de spectacles et des moments de vie quotidienne qui mettent en évidence le lien indissoluble entre les deux artistes), le nouveau travail de Delbono immortalise la voix inimitable de Bobò. Grâce à la sensibilité du réalisateur, qui a su imposer sa présence atypique, cet homme né, d'emblée, dans l’ombre, puis tenu à l’écart et oublié pendant plus de quarante ans, parvient à briller sous la lumière des projecteurs, à montrer au monde ce qu’il est réellement : un véritable artiste. Sa manière de communiquer, qui va bien au-delà des mots, donne dans le même temps à Pippo Delbono l'occasion de réfléchir à sa propre manière de s’exprimer en tant qu’artiste. Avec Bobò, chaque chose semble se matérialiser pour la première fois devant ses yeux, comme s'il retrouvait enfin un peu de lumière quand tout semblait se précipiter dans les ténèbres.

En racontant la vie de son compagnon de toujours, le réalisateur nous offre aussi un autoportrait très touchant et sincère, où il évoque ses tourments et ses peurs. La sincérité de la danse de Delbono, que l’on découvre grâce à des images récentes, semble prolonger celle de Bobò qui, bien qu’il ne soit plus là, vit encore dans son cœur, dans ses gestes, dans son regard. La musique, personnage à part entière du film de même que la voix (off) reconnaissable entre toutes du réalisateur, participe à la création d’une histoire qui ressemble à un conte où nous est décrit un monde qui se fiche des lois et des normes édictées par les autres.

Bobò est un film suspendu entre rêve et réalité qui vise directement le cœur des spectateurs, y compris ceux qui pourraient ne pas encore connaître le travail de Delbono.

Bobò a été produit par Fabrique Entertainment en coproduction avec Luce Cinecittà, Inlusion Creative Hub, Vargo et Rai Cinema.

(Traduit de l'italien)