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LOCARNO 2025 Compétition

Critique : The Seasons

par 

- Dans son film hybride, Maureen Fazendeiro nous emmène dans la région de l'Alentejo, au sud du Portugal, où elle exhume des objets, des histoires et des chansons

Critique : The Seasons

La région de l'Alentejo, au sud du Portugal, est considérée, y compris par les chercheurs, comme un berceau de l’humanité, avec ses dolmens de schiste (tombes mégalithiques) qui pointent çà et là, parfaitement préservés. Ce serait un peu le Stonehenge du Portugal. Les Saisons [+lire aussi :
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, le premier long-métrage en solo de Maureen Fazendeiro (déjà connue pour avoir coréalisé Journal de Tûoa [+lire aussi :
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avec Miguel Gomes), adopte une attitude d'archéologue de terrain comme méthode d’ensemble pour faire du cinéma, créant une ouverture béante dans la surface métaphorique de l'Alentejo pour que l'histoire puisse rejaillir. Le film, de forme hybride (des annotations fictionnelles y sont apposées sur une base documentaire), allie pédagogie et poésie, pour un résultat hélas moins profond et perspicace qu'on l'aurait souhaité. Le film a fait sa première en compétition à Locarno.

Fazendeiro, actuellement lisboète quoique née et formée à Paris, a jusqu’ici témoigné, dans son travail, d'un grand intérêt pour les rituels des communautés isolées (dont le mode de vie évoquerait un peu une utopie moderne), leur travail et parfois leur art. En découvrant le folklore local et les passe-temps intemporels de l'Alentejo, on ne peut pas ne pas prendre en compte le fait que la subjectivité de la réalisatrice a déterminé ce qu'on voit, ainsi que le ton du film. Un autre regard sur la région aurait pu donner lieu à un point de vue totalement différent et plus intime, apportant davantage d’authenticité.

Le film, structuré chronologiquement autour du passage des saisons, dédiées au soin des chèvres typiques de l'Alentejo et à la récolte du liège pour faire des bouchons (une activité qui reste essentielle pour le pays), suit deux pistes d’exposition principales. D'abord, des extraits des carnets de bord des archéologues pionniers du début du XXe siècle Georg et Vera Leisner sont présentés en voix off dans leur langue originale, l'allemand – sachant que ces connaissances sur les structures néolithiques ibériques ont été assemblées pendant que leur pays était bombardé par les forces alliées, et que c'est leur re-publication, il y a une dizaine d'années, qui a constitué pour Fazendeiro l'élan initial qui l'a amenée à faire ce film. Les réflexions à la fois lucides et agitées des deux universitaires sont égrenées tandis que défilent, à l'écran, de magnifiques plans larges sur les zones décrites, de sorte que se trouvent fusionnés en un seul geste audiovisuel le passé du millénaire précédent, la mémoire vivante et un présent pérenne. La présence de civilisations primitives dans ces lieux a donné naissance à des mythes transmis de génération en génération parmi les habitants de la zone (dont un est visualisé très littéralement dans la deuxième moitié du film) et elle est manifestement une grande source de fierté pour les locaux. Les plans de Fazendeiro sur les chèvres évoluant librement, en harmonie avec l’environnement, ainsi que l'artisanat de la fabrication du fromage de chèvre ainsi que des bouchons de liège sont présentés dans leur contexte : celui de l'ascension des coopératives agricoles qui ont fleuri, de même que les idées révolutionnaires et communistes, dès les premiers temps du déclin de la dictature de Salazar, dans les années 1960, et de plus belle lors de sa fin officielle, le 25 avril 1974.

En ces temps de pessimisme et de défaitisme, le fait que Fazendeiro montre l'Alentejo et le site archéologique de Castelo Velho comme des avant-postes pleins de beauté et de possibilités est attachant, mais son enthousiasme se heurte au scepticisme qu'on sent forcément à mesure que les choses se mettent à sembler de plus en plus idéalisées (une impression accrue par la nature verte et luxuriante, ici filmée en 16mm, et les vignettes féériques et imaginatives que le film propose) et qu'on se met à douter que cette vaste région puisse porter une représentation aussi positive et joyeuse. Sur 80 minutes de film, de temps en temps, on se laisse embarquer, mais notre compréhension d'ensemble du lieu et les aspects naturels et politiques qui en sont présentés restent un tantinet superficiels.

Les Saisons a réuni les efforts du Portugal, de la France, de l'Espagne et de l'Autriche à travers les sociétés O Som e a Fúria, Norte Productions, Filmika Galaika et Nabis Filmgroup SRL. Les ventes internationales du film sont gérées par Square Eyes.

(Traduit de l'anglais)

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