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LOCARNO 2025 Compétition

Critique : L'Illusion de Yakushima

par 

- Naomi Kawase allie deux questions épineuses pour la société nippone : la greffe d'organes et les dizaines de milliers de personnes qui disparaissent chaque année sans laisser de traces

Critique : L'Illusion de Yakushima
Vicky Krieps dans L'Illusion de Yakushima

Cinq ans après True Mothers, la cinéaste japonaise Naomi Kawase retourne derrière la caméra pour enquêter une nouvelle fois sur la société nipponne, ses tabous et ses paradoxes. L'Illusion de [+lire aussi :
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, présenté en compétition au Festival de Locarno, raconte l’histoire de Corry (une médecin psychiatre interprétée par Vicky Krieps), qui vit à Kobe, où elle s’occupe d’enfants en attente d’une greffe cardiaque. Elle vit avec Jim (interprété par le prometteur acteur japonais Kanichiro), un aspirant photographe à l’esprit libre qu’elle a rencontré dès son arrivée au Japon lors d’une excursion et qui va ensuite disparaître d’un coup, sans laisser de traces.

Dès le début du film, le personnage de Corry est plutôt énigmatique. On en sait très peu sur elle. Les informations que la réalisatrice nous fournit sont qu’elle est originaire de Paris et qu'à Kobe, elle travaille comme psychiatre. Ce n’est que plus tard qu’on découvre, grâce à des informations savamment distillées à travers des flashbacks qui nous ramènent trois ans en arrière, d’où vient cette aura de tristesse qui semble l’accompagner tout le temps : c'est après la mort de son père, devenu veuf à sa naissance, que Corry a décidé de quitter la France pour vivre une expérience professionnelle différente au Japon. Bien que notre héroïne se mette vite en couple avec Jim, aspirant photographe à l’esprit libre et aventurier qui supporte mal la routine de sa vie, la solitude qui l'habite semble ne jamais l’abandonner, comme si elle faisait intimement partie d’elle. La disparition soudaine de Jim ne fait que renforcer ce sentiment d’urgence et de fugacité, transformant le film en une réflexion sur notre désir profond de stabilité.

C’est justement la question de la fugacité de la vie qui relie la disparition de Jim, devenu un des innombrables “Johatsu” (ces gens qui disparaissent du jour au lendemain au Japon), aux greffes de cœur dont s'occupe Corry. Dans les deux cas, c’est la famille qui doit décider si les personnes concernées (les disparus et les patients qui attendent un nouveau cœur) peuvent être déclarées mortes. Le film nous apprend à quel point les notions de vie et de mort sont liées à la perception que chacun en a, à la culture à laquelle chacun appartient. Est-ce la mort cérébrale qui détermine la fin d'une vie ou le battement du cœur ? Voilà la première question à laquelle chaque famille doit répondre. Si, en Occident, les greffes d'organes sont vues comme quelque chose de bien, de nécessaire, au Japon, c’est un sujet tabou qui limite de manière alarmante le nombre des dons. L’idée que la vie dépend, d'une certaine manière, de la mort de quelqu’un d’autre génère chez les malades en attente d'un cœur un fort sentiment de culpabilité. Grâce à Corry, à son angle différent sur la question, sa patience et sa détermination, ses patients et leurs familles ont la possibilité de se libérer du poids de la culpabilité qui les tenaille.

L'Illusion de Yakushima est un film qui non seulement intrigue mais donne matière à réflexion : il amène le spectateur à réviser son approche de la vie, de ce qui compte vraiment et des ambitions parfois folles qui parasitent notre quotidien. Et si, comme le suggère Corry, le but de la vie était simplement de rester dans le cœur des gens qu'on aime ?

L'Illusion de Yakushima a été produit par Cinéfrance Studios et Kumie Inc. (Japon) en production avec Tarantula (Belgique), Viktoria Productions (Luxembourg), Pio&Co (France), Prod Lab (France) et Marignan Films (France). Les ventes internationales du film sont gérées par Cinéfrance International.

(Traduit de l'italien)

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