Critique : Le Chantier
- Dans son nouveau documentaire, Jean-Stéphane Bron suit la (re)construction du cinéma Pathé Palace et du siège de la légendaire société

Le documentaire Le Chantier, de Jean-Stéphane Bron, s'ouvre sur un plan par drone montrant le ciel de Paris. Le film, qui vient de sa première hors compétition au Festival de Locarno, se rapproche ensuite d’un vieil immeuble délabré, vieux d’un siècle, qui a déjà été éventré. Des véhicules de chantier sont présents, de même que les travailleurs qui les manœuvrent. Grâce au travail sur le son d'Adrien Cannepin et Pierre-Louis Clairin, le bruit qu’ils font semble insoutenable, mais en dépit de cela, les travailleurs continuent de communiquer pendant le travail comme pendant leurs pauses.
On comprend dès les premières images que le projet de construction est à la fois vaste et complexe, mais ce n’est qu’après qu'il nous est dit que c'est dans ce bâtiment que va s'établir le nouveau quartier général de la société française Pathé. Les étages inférieurs accueilleront une multitude de salles de cinéma et au-dessus vont être construits des bureaux. L'édifice, qui va combiner des matériaux traditionnels, comme le bois et la pierre, avec de l'acier et du verre, a été conçu par le légendaire architecte Renzo Piano, mais le président de Pathé, Jerôme Seydoux, aura le dernier mot sur l’agencement intérieur. Il ne s'en tient pas aux bureaux de sa société, mais décide aussi comment seront équipés les salles et locaux du cinéma, guidé par son sens du luxe. Le problème est qu’il n’est pas très réaliste par rapport aux choses pratiques, comme les crises économiques et politiques qui s'enchaînent et font monter le prix des matériaux et du travail, les aspects plus fins de l’ingénierie civile et même les besoins et préférences des clients. De fait, d’autres professionnels (architectes, ingénieurs du bâtiment, ouvriers qualifiés et non qualifiés dans différents départements) doivent prendre les choses en main et faire en sorte que le bâtiment soit fini à temps.
Le Chantier suit les travaux du début de la (re)construction à l’ouverture du site, mais ce qui le distingue d’autres documentaires sur des sujets similaires est sa profondeur et son envergure. Bron opte pour un style observationnel, qui n’est qu'occasionnellement interrompu par des inserts rêveurs sur différentes expériences de la séance de cinéma, de la plus traditionnelle à la plus moderne et de la plus chic à la plus modeste, avec un fort esprit de communauté. Le chef opérateur Blaise Harrison exécute sa part avec aise, de même que la compositrice Irène Drésel, qui nous emmène dans un périple à travers différents genres et différentes humeurs qui incarnent toujours l’essence de ce qu'on voit à l’écran, mais jamais de manière vulgaire.
Ceci étant, la plus grande réussite de Bron, ici, est la manière dont il présente la complexité du projet : selon le plus grand nombre possible de points de vue, de l’idée initiale de l’architecte à la vision de l’investisseur, qui change constamment, en passant par les difficultés des experts pour trouver des solutions à des difficultés concrètes et par les travailleurs qui finissent par exécuter leurs ordres. Dans son approche de la mise en scène, Bron est à vrai dire assez égalitaire, car aucune position n'est présentée comme plus (ou moins) importante qu’une autre. Il convient aussi de saluer le travail de la monteuse Julie Lena, qui a su maintenir pour ce film la durée raisonnable de 94 minutes, mais sans abréger les choses au point qu’elles en seraient devenues banales.
Le Chantier sert de rappel de la manière dont les humains travaillent et de la complexité de la planification comme de l’exécution de leurs projets. Ceci vaut aussi pour le cinéma, qui requiert énormément de planification et de gestion. Nous, le public, qui ne faisons que consommer ces choses, tendons à oublier quels efforts elles nécessitent.
Le Chantier est un travail franco-suisse qui a réuni les efforts de Les Films Pelléas et Bande à Part Films, en coproduction avec Pathé France et la Radio Télévision Suisse. Les ventes internationales du film sont gérées par Pathé International.
(Traduit de l'anglais)
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