Critique : Otter
- Dans son nouveau film, Srđan Vuletić essaie de se glisser dans la peau d'une adolescente à un moment crucial de sa vie

Les enfants ne vont pas bien. Ou pour le dire autrement : nous ne savons pas s’ils vont bien ou pas, car nous vivons dans deux mondes séparés. Le mieux que nous puissions faire est de leur transmettre la "sagesse" que nous a donnée notre expérience de la vie, en espérant qu’elle ait un sens dans leur monde, et de les encourager à se fixer des objectifs et à les poursuivre avec ténacité, même s'ils divergent des nôtres.
Le nouveau film de Srđan Vuletić, Otter [+lire aussi :
interview : Srđan Vuletić
fiche film], s'articule autour d'une adolescente qui se trouve, justement, prise en étau entre les problèmes des deux mondes susmentionnés. Ce long-métrage, premier des titres projetés en compétition à Sarajevo cette année, fera la semaine prochaine l'ouverture du Festival du film de Herceg Novi, au Monténégro, après quoi il va sûrement rallier d'autres festivals, dans la région ou dans le créneau des films jeunesse.
L'héroïne, Hana (incarnée par Maša Drašler, pour la première fois à l'écran), fait généralement ce qu’on lui dit. Elle ne peut ainsi pas afficher le moindre intérêt pour la pseudo-star de son lycée, Balša (Savin Perišić), car ses amies trouvent plus sexy le partenaire de podcast de ce dernier, le bodybuilder égocentré Luka (Pavle Marković). À la maison, elle se sent délaissée par sa mère, Olga (Nada Vukčević, aperçue dans How I Was Stolen by the Germans), qui consacre tout son temps à s’occuper du père de Hana, mourant.
Hana n’a vraiment pas de chance, car son premier rendez-vous avec Balša coïncide avec le jour du décès de son père. Après avoir vu sa mère se soumettre à l’influence du frère de son père (l’acteur serbe Marko Janketić), qui estime que la dernière volonté du mourant (être enterré dans une combinaison spatiale, car il était pilote et rêvait de participer à une mission spatiale) est ridicule et blasphématoire, Hana s’éclipse de l’appartement pour retrouver Balša et Luka, et partir avec eux au lac, pour observer et filmer l'éclipse solaire annoncée.
Leur petite virée ne se déroule pas comme prévu et à cause des egos fragiles des garçons, un climat de jalousie et d’insécurité s’installe entre eux trois. Pour la première fois de sa vie, Hana doit trancher et agir, quitte à défier des figures d’autorité, dans l'environnement patriarcal et traditionnel qu'est le Monténégro, et à transgresser les règles relatives au rôle que la famille et la société lui assignent en tant que femme et que personne encore jeune.
Au début du film, Vuletić fait montre de son talent de metteur en scène. Il parvient en effet à accomplir une chose rare dans le cinéma d’aujourd’hui : les jeunes personnages sont "autorisés" à avoir l'allure de vrais adolescents, à parler et à se comporter comme d'authentiques jeunes. À cela s’ajoute l'excellente photographie de Filip Tot, le montage comme toujours maîtrisé de Vladimir Gojun et la musique électronique éthérée composée par Giorgio Giampà et Marta Cucchesini, le tout formant un puzzle conçu pour faire une assez forte impression.
Hélas, à mi-parcours, les actions des personnages (dont certaines sont drastiques) commencent à paraître abruptes, mal justifiées et pas très bien rythmées. Le problème vient peut-être dans des coupes opérées dans le scénario original de Stefan Bošković (qui s’est fait un nom à la télévision au Monténégro comme en Serbie), à moins qu'il ne tienne à l’expérience limitée des jeunes comédiens. Dès que les enjeux émotionnels du récit enflent, Vuletić semble perdre la main, et le film devient un peu chaotique.
Il est vrai aussi que ce bousculement généralisé est bel et bien un trait de la vie intérieure des adolescents, et de la vie tout court, de sorte qu’au bout du compte, Otter (dont le titre vient de la scène où Hana prend vraiment conscience de la nécessité pour elle de s’affirmer) est peut-être à lire davantage comme un film introspectif invitant également le spectateur à l’introspection.
Otter a réuni les efforts du Monténégro, de l’Italie, de la Croatie, du Kosovo et de la Bosnie-Herzégovine à travers les sociétés Artikulacija Film, Redibis Film, 365 Films, Realstage et Buka Production, avec la participation de la Radiotélévision du Monténégro.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

























