Critique : Sotto le nuvole
par Camillo De Marco
- VENISE 2025 : Gianfranco Rosi revient avec un documentaire dédié aux territoires napolitains situés sur les flancs du Vésuve, en quête de ce qui relie la vie à l’époque antique et aujourd’hui

"Le Vésuve fabrique tous les nuages du monde". C’est sur cette citation poétique de Jean Cocteau que Gianfranco Rosi ouvre Sotto le nuvole [+lire aussi :
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fiche film], son nouveau documentaire, présenté en compétition à la Mostra de Venise, où il a déjà remporté le Lion d'or en 2013 avec Sacro GRA [+lire aussi :
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Sotto le nuvole, tourné dans un noir et blanc lumineux, est le résultat de trois années passées "à l’horizon du Vésuve, comme l'a raconté le réalisateur, à chercher les traces de l’histoire, les tunnels du temps, ce qu’il reste de la vie de tous les jours". Ce qui guide le regard du spectateur à travers l’espace et le temps du film, c'est la Circumvesuviana, la ligne de chemin de fer de 142 km qui parcourt la partie est de la métropole de Naples, habitée par 2 millions de personnes. Une terre qui frémit et bout et rejette les fumerolles des champs phlégréens, qui soufflent leurs gaz sulfureux et vapeurs à haute température. Une terre qui, parfois, tremble, comme le montrent les centaines d'appels reçus par les pompiers locaux, qui s'efforcent de rassurer les citoyens qui demandent s'il "y aura d’autres secousses".
La magnificence de l'art antique ("Ici, c’est une véritable mine", dit le procureur de la république Nunzio Fragliasso), en plus de célébrer un passé d’une somptuosité bouleversante, sert de contrepoint à la dévastation du paysage urbain causée depuis des années par le monde politique corrompu, qui remonte à "l’éventrement de Naples", projet des Bourbons initié en 1889. Des têtes et des bustes sont répertoriés avec dévouement par Maria Morisco, archéologue et conservatrice au Musée archéologique national de Naples. On est ému par la méticulosité et l'affectueuse passion avec laquelle une équipe d'archéologues japonais creuse depuis vingt ans la Villa Augustea, recueillant des fragments d’histoire. On s'indigne au contraire devant la chasse, tardive et fastidieuse, menée par les forces de l’ordre contre les pilleurs de tombes qui ont soustrait, sur des décennies, des mosaïques entières d’une beauté indicible, en passant par de longues galeries creusées dans le sol. Au sanctuaire de la Madonna dell'Arco, au pied du Vésuve, les croyants prient en rampant par terre tandis que Concetto Leveque, dit Titti, "professeur de rue", aide des adolescents à faire leurs devoirs dans son magasin d’antiquités.
Et pourtant, les images les plus belles de Sotto le nuvole ne sont pas seulement celles des villas romaines (dont certaines sont désormais immergées sous la mer) ou de Pompéi et Herculanum, qui renvoient à un passé enfoui, mais aussi celles de la vie d'aujourd'hui : les trotteurs que les jockeys lancent pour les entraîner le long des plages désertées pendant l'hiver, les marins du bateau syrien amarré à Naples pour décharger 38 000 tonnes de blé ukrainien parti du port d'Odessa, pendant que ce dernier est visé par les missiles et drones de Poutine.
Le montage de Fabrizio Federico (qui a collaboré avec Rosi sur ses deux films précédents, In viaggio [+lire aussi :
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fiche film] et Notturno [+lire aussi :
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fiche film]), avec comme consultant Joe Bini, est le fruit d'un travail précis de connexion, de soudure et d'articulation (comprenant aussi du matériel d’archives) des images filmées par Rosi (qui s'est aussi occupé de la photographie et de la prise de son) avec son style de mise en scène inimitable (une caméra fixe placée ça ou là de manière à saisir le moment clef) et sa technique consistant à reconstituer de brefs dialogues avec ses sujets, pour qu’on comprenne mieux ce qu'on voit. Le musicien récemment oscarisé Daniel Blumberg a enregistré les saxophonistes John Butcher et Seymour Wright à Londres, après quoi il a amplifié ces enregistrements sur un haut-parleur immergé dans les eaux marines de la région volcanique de Baia, près de Pompéi, en utilisant des microphones spéciaux appelés géophones (utilisés pour mesurer les tremblements de terre) et hydrophones (utilisés pour enregistrer sous l’eau).
Sotto le nuvole a été produit par 21Uno Film et Stemal Entertainment avec Rai Cinema, en association avec les enseignes françaises Les Films d’Ici et Arte France Cinéma. Les ventes internationales du film sont assurées par The Match Factory.
(Traduit de l'italien)
Galerie de photo 30/08/2025 : Venice 2025 - Sotto le nuvole
15 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.



© 2025 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it
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