Critique : Un anno di scuola
par Camillo De Marco
- VENISE 2025 : Le deuxième long-métrage de Laura Samani est un récit d'apprentissage au féminin qui trahit la vocation révolutionnaire de l'héroïne du roman dont il est tiré

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fiche film], le deuxième long-métrage de Laura Samani, en lice dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise. Piccolo corpo, un film rigoureux qui se passait à la fin du XIXe siècle dans un village de pêcheurs du Frioul, avec des dialogues récités dans le dialecte local et des images tournées caméra à l’épaule, racontait une histoire de douleur intime empreinte de réalisme magique. Un anno di scuola, qui se passe en 2007, est un récit d’apprentissage qui aborde des thèmes comme la parité et le détachement affectif, sans cependant renoncer à une certaine insouciance et une propension à la comédie.
L'histoire se passe à Trieste l’année même où l'Europe de la zone Schengen s’est élargie et où la frontière entre l’Italie et la Slovénie est définitivement tombée. Dans une classe de dernière année au lycée technique, composée uniquement de garçons, se présente soudain Fred (interprétée par Stella Wendick, pour la première fois à l'écran), la fille d’un cadre supérieur suédois envoyé à Trieste pour mettre en œuvre un plan de licenciement au siège local d'une multinationale. En guise de bienvenue, ses camarades (représentants d’un machisme de province résiduel) cachent les vêtements de Fred pendant le cours de basket, contraignant la jeune fille à rentrer chez elle couverte uniquement d’une serviette. Et pourtant, d'emblée, la présence de cette étrangère désinvolte captive les autres élèves, d’autant que Fred est habituée à passer des soirées à boire des bières avec des copains. Elle se lie en particulier avec un inséparable trio d’amis (Giacomo Covi, Pietro Giustolisi et Samuel Volturno, eux aussi débutants). "Mais c’est comme si c’était un mec", se défend l’un deux quand sa petite amie lui reproche cette fréquentation nocturne, alors qu'elle-même est obligée de respecter un couvre-feu. Le naturel nordique des relations de Fred génère de plus en plus de rivalités et de jalousies, ce qui va mener à la fracture avant la fin de cette fatidique année scolaire.
Le film, qui s'ouvre sur un générique où les noms ont droit à une présentation exubérante et extrêmement colorée, a été tourné par Samani et sa cheffe opératrice Inès Tabarin comme une comédie juvénile, avec un angle et une sensibilité résolument féminines, qui puise dans le vécu des innombrables adolescentes qui ont grandi dans un univers dominé par les hommes. Le choix qu'il fait de la légèreté trahit forcément, et intentionnellement, le roman de Gianni Stuparich dont il a été tiré – un petit chef-d’œuvre de la littérature italienne dont Franco Giraldi avait déjà tiré une minisérie télévisée en 1977. Le livre, paru en 1929, en pleine période fasciste, se passait dans le Trieste dominé par les Habsbourg de 1909, moment où une nouvelle loi a permis aux jeunes filles d'accéder à une huitième année d'enseignement (la dernière année de lycée), et donc à l’université. La voie était ouverte pour qu'elles puissent conquérir un avenir de liberté et d’indépendance. L’héroïne du roman, Edda Marty, était la représentation d’un idéal féminin qui ne pouvait naître qu'à ce carrefour culturel au centre de l’Europe : à la fois fragile et forte, douce mais irrévérencieuse et "téméraire" (comme l'a décrite Stuparich). Si le livre rendait compte, d'une part, de la dimension intérieure de ce sentiment de fin imminente d'une saison sentimentale inoubliable, Edda (comme l'a fait observer l’essayiste Cristina Benussi) n'était pas que le véhicule d'un récit intime : elle était aussi un archétype de jeune femme émancipée. Le roman se faisait le miroir d'une transformation culturelle en cours qui anticipait déjà le rôle public qu'auraient bientôt les femmes, faisant d'elle une femme "révolutionnaire pour cette époque".
Dans le film, on ne retrouve hélas pas cette urgence d’un changement social, d’autant plus que le personnage qui brise ici les tabous et déstabilise le patriarcat est un sujet externe – puisque le film fait le choix incompréhensible d'un personnage central venu d'Europe du Nord, un cliché qui renvoie au niveau de parité élevé atteint dans les pays nordiques, mais désamorce la possibilité de replacer l’héroïne du film dans le contexte social local.
Un anno di scuola est une coproduction entre l’Italie et la France qui a été pilotée par Nefertiti Film, avec Rai Cinema, en coproduction avec Tomsa Films et Arte France Cinéma. Les ventes internationales du film sont assurées par Rai Cinema International Distribution.
(Traduit de l'italien)
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