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VENISE 2025 Orizzonti

Critique : Rose of Nevada

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- VENISE 2025 : Mark Jenkin livre un film onirique où George MacKay et Callum Turner sont aux commandes d'un navire de pêche cornique qui peut voyager dans le temps

Critique : Rose of Nevada
George MacKay (à gauche) et Callum Turner dans Rose of Nevada

Le futur est un concept et une réalité qui n'est jamais vraiment arrivée jusque dans les Cournouailles, au sud-est de l'Angleterre. L'économie du tourisme y est florissante et la zone attire des gens qui recherchent la culture et l'esprit maritime qui a toujours caractérisé le pays, mais c'est l'exception et non la règle, entre les inégalités sociales qui dominent tout et les politiques de "nivellement par le haut" de tous les gouvernements récents, qui vont toujours dans le sens d'une régénération urbaine au nord du pays. Le réalisateur britannique indépendant Mark Jenkin s'est érigé en spécialiste de ce cadre régional avec ses deux premiers films, Bait [+lire aussi :
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et Enys Men [+lire aussi :
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, et le voilà qui renchérit sur ce pronostic déprimant pour l'avenir des Cournouailles dans son troisième long-métrage, Rose of Nevada [+lire aussi :
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. Le film, qui contient des éléments fantastiques (pour être en mesure de redonner vie à une époque plus optimiste du passé de la zone), rend compte en profondeur de la colère politique actuelle et de la nostalgie d'un temps où le Royaume-Uni était fier de ses régions. C'est le premier film que Jenkin présente au Festival de Venise, dans la section Orizzonti.

Si la participation, notamment de la star George MacKay, mais surtout du chouchou des tabloids Callum Turner, va attirer le regard de quelques curieux, avec Rose of Nevada, Jenkin stagne plus qu'il ne renouvelle vraiment son œuvre. Le fascinant Bait reste probablement à ce jour son film le plus accompli, pour sa nouveauté, son humour et sa qualité de véritable OVNI. Ceci étant dit, la rigueur et le réalisme de son petit dernier (qui est vraiment sa création, Jenkin étant un véritable homme-orchestre qui s'est également chargé de la photographie du film, du montage et de la mise en musique) ont quelque chose de plaisant, de séduisant même, qui fait que le pivot de l'intrigue (un navire portant le nom annoncé dans le titre réapparaît au port alors que tout le monde croyait qu'il avait coulé) s'intègre sans faux plis dans l'univers du film.

Mackay joue le rôle de Nick, un autochtone, père de famille, dont on fait la connaissance alors qu'il se rend tranquillement à la banque alimentaire pour recueillir des vivres pour sa femme et son enfant, après quoi il passe le reste de sa journée (d'homme au chômage ?) à réparer les fuites sur le toit. Turner incarne Liam, un vagabond en fuite pour des raisons qui ne nous sont pas expliquées, bien qu'il ait le côté louche et l'instinct de conservation sans scrupules de quelqu'un qui pourrait avoir commis un crime. Ajoutez à cela un bateau et un capitaine qui semble tout droit sorti d'un roman de Herman Melville (Francis Magee), et voilà que nos deux personnages deviennent des marins de constitution solide et avides de travail d'une autre génération, plus ancienne, et qu'ils se lancent en quête de poisson frais à pêcher – puisque la pêche était jadis au cœur de la prospérité de la ville.

En tournant sur un vrai bateau, avec une Bolex 16 mm permettant de naviguer dans cet espace étroit, Jenkin donne un côté empirique et documentaire aux séquences marines (une éthnographie visuelle immersive proche de ce qu'on avait dans le documentaire pionnier de 2012 Leviathan [+lire aussi :
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, sur les grands chalutiers de pêche industrielle américains). L'eau et l'écume éclaboussent les visages des personnages et les sons naturels qu'on entend accompagnent agréablement l'ensemble. Surviennent ensuite des flashs visuels où apparaissent deux hommes censés avoir péri sur ce bateau, et la panique identitaire lynchienne qui s'ensuit occupe le reste de l'intrigue. Quand Liam et Nick débarquent de nouveau, nous sommes en 1993 (comme l'indique la première page du canard local), la vie de la ville est effervescente, le poisson arrive en masse qui sera vidé et vendu à quai, les pubs sont pleins à craquer. Liam s'installe dans une nouvelle relation domestique avec des personnages mentionnés dans la première moitié du film, tandis que la nouvelle identité de Nick lui arrache douloureusement son indépendance de père, car on suppose qu'il est le fils d'un couple du coin, en deuil (Adrian Rawlins et la compagne du réalisateur, Mary Woodvine).

Ce paradoxe sur l'identité et la temporalité ne sera jamais résolu. Faut-il le prendre littéralement ? Le spectateur est-il censé projeter un sens tragique, ou optimiste, sur les événements ? Ce qui est plus clair, c'est que l'image fantastique qu'a Jenkin de sa région reflète ce qu'elle dégage vraiment (sa vraie nature), au sens anti-empirique du terme : c'est un lieu qui paraît hanté, folklorique, mort et vivant à parts égales.

Rose of Nevada a été produit par la société britannique Bosena. Les ventes internationales du film sont gérées par Protagonist Pictures.

(Traduit de l'anglais)

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