Critique : The Souffleur
par Savina Petkova
- VENISE 2025 : Gastón Solnicki nous embarque dans une visite de l'Hôtel Intercontinental de Vienne, avec Willem Dafoe comme guide

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fiche film] (2022). The Souffleur est une ode à sa ville de résidence, Vienne, dont l'épicentre est cette fois le luxueux Intercontinental Hotel niché au cœur de la capitale autrichienne. Solnicki lui-même joue dans le film le rôle d’un nouvel acheteur qui se profile, Facundo Ordoñez, et se met à hanter le héros, Lucius (Willem Dafoe), gérant de l’hôtel depuis des années. Non content de s'occuper de l'Intercontinental comme un gardien soigneux, Lucius a des attitudes de propriétaire : il y a quelque chose de familial dans la manière dont il rôde dans les pièces et ascenseurs de service, les cuisines et les salles petit-déjeuner en dehors des heures de service. Pour un gérant d’hôtel de ce type, il n’y a pas de séparation entre le travail et la vie, d'autant plus que sa fille Lilly (Lilly Lindner) travaille avec lui.
Dans la scène d’ouverture, on voit en gros plan un soufflé gonfler à travers la porte d'un four. On le retrouve ensuite sur la table du petit-déjeuner où Lucius et son second, Claus (Claus Philipp), discutent de la vente de l'établissement devant un café. "Ça ne va pas", s'exclame notre gérant, et on sent bien que l'objet de son irritation n'est pas le soufflé. Pendant la temps assez court que dure le film (78 minutes seulement), Solnicki fait des détours : on entre et sort de l'Intercontinental, avec ou sans Lucius, pour explorer le Stadtpark, tout près, avec ses cours de tennis, ainsi que la patinoire de l’hôtel, au sous-sol, et ses terrasses sur toit, tout en haut. Dans une scène, on voit Lucius derrière le signe "Intercontinental" qui surplombe le bâtiment, en train de regarder vers le bas pour contempler la ville, un panorama aussi splendide que rare qui fait l'effet d'un petit cadeau au public.
Ainsi, le sentiment véhiculé par le film n’est pas contenu dans les murs de l’hôtel. Un émerveillement curieux amène le spectateur dans des endroits qu’il ne connaissait probablement pas (à moins de vivre à Vienne ou d'avoir participé à la Viennale), un choix dont le charme décalé fait pendant à la nouveauté déroutante du lieu fermé qu'on découvre ici. Dafoe, énigmatique comme à son habitude, se donne du mal pour cacher le plus de choses possible au lieu de révéler quoi que ce soit sur son personnage. D’une certaine manière, ce geste est un hommage à l’hôtel et son personnel, et cela fonctionne que l'acteur parvienne ou pas, par ailleurs, à rendre sa propre aura de star invisible tout au long du film.
Même comme ça, on a du mal à s'abandonner totalement à l’ambiance du film car le ton qu'il adopte est très fluctuant. Ce qui semble au début promettre un accès facile à quelque chose de sentimental s'avère souvent trompeur. Le spectateur en quête d'émotion pourrait trouver que le film résiste à cette approche : les nombreuses saynètes façon tableau vivant du film entravent cette possibilité. Une interprétation généreuse de ces scènes serait de dire qu'elles ont justement pour fin de tenir le public à distance. Personne, pas même lui, ne peut se permettre d’être trop à l'aise avec la manière dont les multinationales déchirent le tissu culturel des villes.
The Souffleur est une coproduction entre l’Autriche et l’Argentine qui a réuni les efforts de Little Magnet Films, Filmy Wiktora, Primo et KGP Filmproduktion. Les ventes internationales du film sont assurées par Magnify.
(Traduit de l'anglais)
Galerie de photo 31/08/2025 : Venice 2025 - The Souffleur
13 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.



© 2025 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it
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