Critique : Julian
par Aurore Engelen
- Avec son premier long métrage, Cato Kusters livre en pointillés une histoire d’amour et de deuil poignante, au rythme bousculé des souvenirs de sa protagoniste

Pour son premier long métrage Julian [+lire aussi :
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fiche film], dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto dans la section Discovery, la jeune cinéaste flamande Cato Kusters livre un portrait sensible et en mouvement, celui d’un amour. Cet amour c’est celui de Fleur (Nina Meurisse) et Julian (Laurence Roothooft), follement amoureuses, tellement qu’elles décident de se marier, chez elles, en Belgique, mais aussi dans tous les autres pays qui autorisent l’union entre deux personnes de même sexe. Ils sont 22 ces pays (à l’époque où se déroule l’histoire, 36 aujourd’hui, sur près de 200 pays), alors elles envisagent une sorte de tour du monde de l’amour, un voyage qui est autant une déclaration d’amour qu’une déclaration de guerre contre l’injustice que subissent encore les couples homosexuels qui voudraient se marier. Elles s’organisent, revendent une partie de leurs biens, posent des congés, quittent un confort pour la plus belle des incertitudes. Les deux femmes s’engagent, l’une envers l’autre, dans un combat aussi, plus grand qu’elles et difficile à mener, et qui sans cesse menace de faire perdre de vue l’essentiel. Sauf que Fleur et Julian se retrouvent fauchées dans leur élan, quand cette dernière est saisie de vertiges, juste après la cérémonie parisienne. Le verdict tombe : Julian est malade, et n’a plus que quelques mois à vivre. Julian et Fleur se retrouvent dans ce temps en sursis, avant que face à l’insupportable absence, Fleur ne se mette en marche pour faire vivre la mémoire de Julian, par tous les moyens.
Le récit de Julian est tout sauf linéaire. Le film est adapté des mémoires de Fleur Pierets, qui y raconte son histoire, et celle de Julian, déjà à la façon d’un patchwork mémoriel. Le film s’applique à retranscrire le labyrinthe de la mémoire, où chaque allée dissimule une porte vers un nouveau souvenir, où le récit progresse par association d’idées plus que par une succession de causes et de conséquences. Si l’amour de Fleur et Julian est un amour militant, sûr de sa capacité à changer le monde, le film lui se focalise non pas sur le combat politique des deux femmes (combat interrompu par la maladie, mais porté encore aujourd’hui par le travail mémoriel de Fleur), mais sur l’amour comme puissance motrice, jusque par-delà la mort. Le patchwork temporel est renforcé par la juxtaposition de plusieurs régimes d’images, celles du récit biographique, et celles intradiégétiques tournées par les protagonistes, qui partagent leur intimité. Toutes ces textures et ces circonvolutions temporelles concourent à partager ce qu’est une mémoire en devenir. Il fallait pour porter cette histoire d’amour bigger than life deux actrices investies corps et âme, c’est le cas de Nina Meurisse (repérée par la cinéaste dans Le Ravissement [+lire aussi :
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fiche film], lauréate d’un César pour L’Histoire de Souleymane [+lire aussi :
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fiche film]) et Laurence Roothooft (actrice flamande vue jusqu’ici au théâtre et à la télévision).
Julian est produit par The Reunion (Belgique), la société de production fondée par les frères Michiel et Lukas Dhont (réalisateur de Girl [+lire aussi :
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fiche film] et Close [+lire aussi :
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fiche film]), et coproduit par d’autres fameux frères, les Dardenne, avec leur société Les Films du Fleuve (Belgique), où oeuvre la productrice Delphine Tomson, ainsi que par Topkapi Films (Pays-Bas). Les ventes internationales sont assurées par The Match Factory.
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