email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2025 Hors compétition

Critique série : Etty

par 

- VENISE 2025 : Hagai Levi signe une série captivante et poignante sur la construction psychologique d’une femme hors normes et sa résilience face à la haine

Critique série : Etty
Julia Windischbauer dans Etty

"Je dessinai encore une prière autour de moi, comme un sombre mur protecteur. Je me retirai à l’intérieur comme dans la cellule d’un couvent. J’érigeai ces hauts murs à l’intérieur desquels je ne pouvais pas tomber en morceaux, me perdre et périr. Puis j’en ressortis encore, sereine et plus forte." En adaptant librement et de manière contemporaine les journaux intimes de Etty Hillesum, écrits aux Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale, Hagai Levi (créateur bien connu des séries BeTipul, The Affair et Our Boys) a porté à la lumière de l’écran une femme exceptionnelle, une écrivaine à la puissance littéraire rare, mais surtout une personnalité ayant réussi à dompter et à canaliser son intense tumulte intérieur (angoisses, peurs, inhibitions, inadaptation sociale, dépression) en une armure mentale d’une force profonde lui permettant d’affronter avec une bravoure inouïe tous les périls d’un pays obscurci par l’oppression fasciste.

En six épisodes (327 minutes au total), la série Etty, dévoilée hors compétition à la 82e Mostra de Venise, établit un véritable guide personnalisé sur la manière de trouver des ressources intimes afin de résoudre les conflits psychologiques autodestructeurs et se positionner face la haine ambiante (un climat généralisé également très actuel que Hagai Levi, d’ailleurs, qui ne travaille plus depuis dix ans en Israël, son pays natal, a dénoncé récemment publiquement). Une découverte de soi que le récit amorce à travers une histoire d’amour avec la rencontre d’Etty (une fantastique Julia Windischbauer), étudiante de 27 ans, apprentie romancière en échec créatif et en grande souffrance psychique (aggravée par un lourd héritage génétique familial) et du docteur Julius Spier (Sebastian Koch), un psychologue adepte de la lecture des lignes de la main, âgé de 55 ans et qui a quitté Berlin pour Amsterdam depuis deux années. Mais dans la cité néerlandaise, les bottes de l’Occupation sont déjà à l’œuvre (couvre-feu, nouvelles lois) et les mesures ostracisant les Juifs et les émigrés commencent à poindre de plus en plus dangereusement…

Dans le sillage d’abord chaotique, puis de plus en plus déterminé, d’Etty, sillonnant la ville à bicyclette et à pied, l’intrigue (excellement scénarisée) décortique un microcosme reflétant l’entière condition humaine : les ponts à traverser (en dépassant la tentation d’en finir avec l’existence), les outils émotionnels, la quête ardue du lâcher-prise, les sources d’énergie, la complexité des sentiments (amoureux, amicaux, familiaux), la résilience, l’autonomie, le détachement, la liberté d’esprit, et les choix (le déni, la fuite, la collaboration, la résistance) face aux obstacles, aux chutes et à l’incontournable spirale du monde quand les poisons sont de sortie. Une exploration plus qu’universelle sertie dans un très beau portrait de l’âme d’une femme (d’une facture visuelle et musicale aussi de grande qualité) auquel Hagai Levi donne encore plus de résonnance en tournant le dos à la reconstitution d’époque (sans effacer néanmoins l’empreinte historique de la persécution nazie) et en se concentrant sur l’essentiel de son message : "aider les gens à mieux se comprendre".

Etty a été produit par Les Films du Poisson (France), Komplizen Serien (Allemagne) et Topkapi (Pays-Bas) avec Quiddity, et coproduit par Arte France et SWR. Studio TF1 pilote les ventes internationales.

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy